Le 21 novembre, j’ai participé, en séance publique, à un débat sur l’avenir de l’Institut français.
L’Institut français est un établissement public industriel et commercial (EPIC) créé par la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État. Il a démarré son activité au 1er janvier 2011. Placé sous la double tutelle du ministre des affaires étrangères et du ministre de la culture, cet organisme a de nombreuses missions (promotion et accompagnement à l’étranger de la culture française ; développement des échanges avec les cultures européennes, francophones et étrangères ; diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel ; promotion et accompagnement à l’étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique français ; etc.).
J’ai notamment attiré l’attention du secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, sur le statut juridique des instituts culturels français à l’étranger, qui sont des établissements à autonomie financière (EAF). Entre 2010 et 2013, ces EAF ont été fusionnés avec les services de coopération et d’action culturelle (SCAC) des ambassades. Les établissements résultant de cette fusion ont conservé le statut d’EAF et n’ont malheureusement pas été rattachés à l’Institut français.
La liste des EAF est fixée par un arrêté du 24 janvier 2011 qui fait l’objet d’une actualisation tous les ans. Le réseau comprend actuellement 124 EAF, dont 98 EAF culturels (instituts français) et 26 EAF de recherche (instituts français de recherche à l’étranger).
Le statut d’EAF est prévu par un décret du 24 août 1976. Il prévoit notamment que les EAF ne disposent pas de la personnalité morale mais peuvent, d’une part, conserver les recettes qu’ils perçoivent grâce à leur activité (subventions des autorités locales, mécénat, etc.) et, d’autre part, employer des agents non soumis au plafond d’emplois ministériel.
Au cours des dernières années, plusieurs rapports de l’Assemblée nationale, du Sénat - dont mon rapport d’information sur les IFRE - et de la Cour des comptes ont mis en lumière la fragilité juridique du statut d’EAF au regard des dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dite « LOLF ». De ces rapports, il ressort que le statut d’EAF n’est pas conforme aux principes d’unité et d’universalité budgétaires, qui prévoient l’enregistrement intégral des recettes et dépenses dans le budget général de l’État et la non affectation des recettes à des dépenses.
À la suite de ces réflexions, plusieurs pistes d’évolution du statut d’EAF ont été examinées par le Quai d’Orsay, en concertation avec le ministère du budget, telles que la transformation des EAF en EPIC ou la mise en place de circuits financiers complexes pour leurs ressources propres (attributions de produits, fonds de concours). Aucune solution satisfaisante n’ayant été trouvée, le gouvernement de Bernard Cazeneuve a décidé, au mois d’avril dernier, de n’apporter que quelques retouches au décret du 24 août 1976. Le statut d’EAF a ainsi été maintenu et, avec lui, l’incertitude juridique qui menace sa pérennité.
Un groupe de travail conjoint du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du ministère de l’économie et des finances réfléchit actuellement à l’évolution de ce statut.
Vous trouverez, ci-dessous, la vidéo de l’audition ainsi que le compte rendu de mon intervention et de la réponse de M. Lemoyne.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche.
Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à formuler quelques remarques au sujet de l’Institut français.
En 2010, nous avons consacré un long débat au statut de cet organisme. En définitive, nous avons échoué, tel Roland à Roncevaux ! (Sourires.) Privé de son réseau, l’Institut français a pour ainsi dire perdu ses jambes. Ainsi, on dispose d’une centrale à Paris, qui fait de la programmation, qui formule des propositions et, plus largement, accomplit un excellent travail. Ensuite, que se passe-t-il ? L’action ne suit pas.
Didier Guillaume. Exactement !
Richard Yung. C’est un problème. Le Quai d’Orsay a résisté avec la plus grande énergie au rattachement des instituts français à l’étranger à l’Institut français. Ils ne voulaient pas de ce modèle. Dont acte : nous n’allons pas revenir sur cette discussion.
Cela étant, l’Institut français subit deux problèmes.
Premièrement, je pense bien sûr à la dotation budgétaire. En 2012, celle-ci s’élevait à 49 millions d’euros ; en 2018, elle ne sera plus que de 28 millions d’euros. En six ans, c’est presque la moitié des crédits qui ont disparu, tout simplement ! Nous devons mettre nos discours en accord avec la réalité. Je sais que c’est difficile, mais on ne peut pas faire autrement.
Deuxièmement, le Gouvernement doit se pencher sur le statut dont disposent les instituts français à l’étranger, à savoir celui d’établissements à autonomie financière. Sans insister davantage, je signale que le problème est, en l’occurrence, la coordination de ce statut avec la LOLF.
Troisièmement, et enfin, monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur les alliances françaises.
Je comprends bien les difficultés qu’éprouve la Fondation Alliance française. Cette dernière peine à se positionner, et elle a du mal à trouver de l’argent. Au fond, peut-être n’est-ce pas une mauvaise idée de la rapprocher de l’Institut français.
En la matière, comme toujours en France, une multitude d’agences s’occupent de tout : du cinéma, du livre, de la musique, etc. Certes, je ne suis pas sûr qu’en rapprochant deux pauvretés on obtienne grand-chose de solide… Mais comme l’a souligné Mme la présidente de la commission, il faut étudier cette piste.
Quoi qu’il en soit, je défendrai mordicus l’indépendance des alliances françaises locales. Ces dernières sont toutes des associations de droit local, et ce statut leur permet de traverser les différentes tempêtes que nous essuyons en France ! (Marques d’approbation.)
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de nouveau, je vous invite vivement à respecter vos temps de parole : chacun des orateurs dépasse de beaucoup les deux minutes qui lui sont imparties.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, pour ce qui concerne les moyens, il me semble que nous avons peu ou prou fait le tour du sujet.
Robert del Picchia. En effet !
Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Toutefois, les voix qui s’expriment dans ce débat me permettront de porter le message d’une ambition réaffirmée à l’échelon interministériel.
Pour ce qui concerne le statut des établissements locaux, vous avez raison : peut-être devons-nous prévoir une légère modification de la LOLF pour garantir l’autonomie financière de ces structures et pour qu’elles puissent continuer à recourir à un certain nombre de financements locaux, à commencer par le mécénat. On ne peut pas, d’un côté, les inciter à conclure des partenariats et, de l’autre, leur refuser l’assurance que l’argent ainsi dégagé soit dédié à des actions culturelles sur le terrain. Aux yeux des acteurs locaux, si ces fonds remontent jusqu’à Paris, ils risquent, pour ainsi dire, de finir dans le tonneau des Danaïdes…
Ce sujet figure, très clairement, dans la seconde série d’actions qui doivent être conduites avec le ministère de l’action et des comptes publics.
Dès l’été dernier, un groupe de travail conjoint a été constitué pour réfléchir au statut des établissements à autonomie financière, les EAF. Pour sa part, le ministère des affaires étrangères considère qu’il faut avant tout modifier la LOLF.
Peut-être faudrait-il évoquer la question avec les présidents, les rapporteurs généraux et les membres des deux commissions des finances, car cette réforme pourrait se traduire par une proposition de loi organique. Peut-être serait-il bon d’en parler également aux deux pères de la LOLF, Didier Migaud et Alain Lambert ; à mon sens, il serait utile de recueillir leur opinion sur ces sujets.