C’est une actualité qui est passée relativement inaperçue en dehors de la presse économique. Elle revêt pourtant une acuité toute particulière en cette rentrée marquée par le débat sur l’exil fiscal de certaines grandes fortunes françaises.
Le 26 décembre dernier, la direction générale des finances publiques a publié une instruction concernant les Français fiscalement domiciliés en Suisse qui continuent d’exercer une activité professionnelle en France ou y perçoivent des dividendes.
Ce texte prévoit que la France, à compter du 1er janvier 2013, n’accorde plus le bénéfice de la convention bilatérale de non-double imposition à ses ressortissants assujettis à l’impôt à forfait en Suisse. Instauré en 1972, ce système permettait à ses bénéficiaires - très fortunés - de ne payer en France qu’un prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) sur les dividendes (15% au lieu de 30%). Pour pouvoir bénéficier de cet avantage fiscal, ces contribuables devaient accepter d’être imposés en Suisse sur une base forfaitaire majorée*. Fin 2010, la Confédération helvétique comptait 2.000 résidents français bénéficiant de ce dispositif. Ces personnes seront désormais soumises à l’impôt français selon les règles de droit commun.
La France fait ainsi le choix d'appliquer à la lettre la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, dont l'article 4, alinéa 6, prévoit qu'une personne physique qui n’est imposable en Suisse que sur une base forfaitaire déterminée d’après la valeur locative de la ou des résidence(s) qu’elle possède sur le territoire de la Confédération helvétique n’est pas considérée comme résident suisse.
Cette excellente initiative, qui ne modifie pas la fiscalité des travailleurs frontaliers, traduit la volonté du gouvernement de Jean-Marc AYRAULT de lutter efficacement contre l’évasion fiscale des contribuables les plus riches. Elle marque un premier pas vers la révision de la convention fiscale franco-suisse, conformément à l'engagement pris par le Président de la République et réitéré par Jérôme CAHUZAC le 20 décembre dernier.
Elle doit également être mise en parallèle avec la récente décision de Berne de durcir - au plus tard le 1er janvier 2014 - les conditions d'accès au forfait fiscal. De plus, il est intéressant de noter que les parlementaires socialistes suisses proposent d'abroger le système des forfaits fiscaux, qui constitue, selon eux, une « violation de la justice fiscale ». Certains cantons, à l'instar de celui de Zurich, l'ont d'ailleurs déjà abandonné.
La conjugaison de ces initiatives doit permettre, à terme, de réduire la concurrence fiscale entre nos deux pays. La réalisation de cet objectif suppose également la négociation d’une nouvelle convention fiscale entre l’UE et la Suisse qui soit conforme aux nouveaux standards internationaux en matière d’échange d’informations.
*: Le montant imposable n'est pas calculé en fonction des revenus du contribuable. Il est fixé sur la base des dépenses occasionnées par le train de vie en Suisse. Dans le canton de Genève, par exemple, ce montant ne doit pas être inférieur à cinq fois le loyer annuel payé pour la résidence principale en Suisse ou cinq fois la valeur locative du logement dont le contribuable est propriétaire.