Les avis d'imposition arrivent en ce moment dans les foyers et les parlementaires qui vont à la rencontre des communautés françaises à l’étranger sont très souvent interpellés au sujet de la pression fiscale qui pèse sur les non-résidents et de la discrimination dont ces derniers seraient parfois victimes.
Premier sujet de préoccupation: le régime d’imposition des revenus immobiliers (revenus fonciers, plus-values) des non-résidents fiscaux. Pour mémoire, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, ces revenus sont assujettis aux prélèvements sociaux : CSG (8,2%), CRDS (0,5%), autres contributions sociales (6,8%). Ces revenus se voient ainsi appliquer un taux global de 15,5%, qui s’ajoute au barème de l’impôt sur le revenu (revenus fonciers) ou au prélèvement forfaitaire libératoire (plus-values).
La fiscalité des revenus immobiliers des non-résidents soulève à mon sens deux interrogations :
La première porte sur la légalité du principe de l’assujettissement des revenus immobiliers des non-résidents aux prélèvements sociaux. Est-il juridiquement acceptable que des contribuables qui ne relèvent pas des mécanismes de solidarité français doivent s’acquitter des contributions sociales ? Saisie de cette question, la Commission européenne a récemment ouvert une procédure d’infraction contre la France (n°2013/4168).
À l'Assemblée nationale, Pierre-Yves Le Borgn' a déjà eu l'occasion de développer les aspects juridiques de ce dossier.
Pour sa part, l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), lors de sa dernière session, a émis le vœu que le Gouvernement prenne en considération le risque de condamnation encouru et sursoie à cette mesure dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.
La seconde interrogation concerne la différence de traitement des non-résidents s’agissant du taux d’imposition des plus-values immobilières. Les plus-values réalisées par les non-résidents établis dans les États tiers à l’Espace économique européen (EEE) sont actuellement taxées à 33,33% alors que celles réalisées par les personnes fiscalement domiciliées en France ou dans un État membre de l’EEE (UE + Islande + Norvège) sont taxées à 19%.
L’an dernier, j’avais déposé un amendement au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2012 afin de mettre fin à cette discrimination.
Il est important de noter que le juge administratif a annulé à plusieurs reprises l’application du taux majoré de 33,33% pour les non-résidents établis en Suisse. Plusieurs juridictions - dont le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d'appel de Versailles - ont en effet considéré qu’une personne fiscalement domiciliée en Suisse qui cède un immeuble situé en France doit être imposée dans les mêmes conditions que les personnes fiscalement domiciliées en France, conformément à la clause de non-discrimination contenue dans la convention fiscale franco-suisse. Un tel raisonnement pourrait vraisemblablement s’appliquer aux autres États tiers à l’EEE qui sont liés à la France par un accord fiscal comprenant une clause de non-discrimination.
Le Conseil d’État devrait prochainement se prononcer sur ce sujet.
Autre dossier brûlant : la non-déductibilité des charges supportées par les non-résidents fiscaux. Les Français établis hors de France ne sont pas traités de la même manière selon qu’ils résident au sein de l’EEE ou dans les États tiers à l’EEE.
Une instruction fiscale du 13 janvier 2012 permet aux non-résidents de l’EEE qui tirent de France l’essentiel de leurs revenus (dits « non-résidents Schumacker ») de déduire les charges de leur revenu global.
La question est désormais de savoir comment nous pouvons faire bénéficier les personnes fiscalement domiciliées dans les États tiers à l’EEE de ce régime de déductibilité. En 2010, j’avais présenté un amendement au projet de loi de finances pour 2011 qui allait dans ce sens. D’après le service juridique du Sénat, la réalisation de cet objectif supposerait le lancement d’un cycle de renégociation des conventions fiscales conclues par la France.
Sur toutes ces questions, nous sommes montés plusieurs fois au créneau, pour le moment sans succès, mais je pense que les parlementaires intéressés devraient profiter du débat sur le projet de loi de finances pour 2014 pour présenter et faire adopter des amendements sur ces différents points, auxquels s'ajoute la question du statut fiscal de l'habitation unique en France des expatriés (cette habitation est actuellement considérée comme une résidence secondaire).