Comme on pouvait s’y attendre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déclaré, dans un arrêt du 26 février, que les personnes fiscalement domiciliées en France qui relèvent du système de sécurité sociale d’un autre État membre de l’UE ne peuvent pas être assujetties aux prélèvements sociaux français (CSG, CRDS, prélèvement social de 2%, contribution additionnelle de 0,3%) au titre de leurs revenus du patrimoine.
Je me réjouis de cette décision, qui a été prise dans le cadre d’une question préjudicielle posée par le Conseil d’État. Ce dernier avait été saisi d’un litige concernant un ressortissant néerlandais fiscalement domicilié en France, Gérard de RUYTER, qui, arguant du fait qu’il n’est pas affilié à la sécurité sociale française, conteste le fait d’avoir été assujetti aux prélèvements sociaux français au titre des rentes viagères de source néerlandaise qu’il a perçues entre 1997 et 2004.
La Cour de Luxembourg considère que les contributions sociales assises sur les revenus du patrimoine, bien qu’elles soient qualifiées d’impôts par les autorités françaises, participent directement au financement de la sécurité sociale en France et relèvent donc du règlement européen de coordination des régimes de sécurité sociale, en vertu duquel un assuré ne peut être soumis qu’à la législation d’un seul État membre.
Ce raisonnement est identique à celui que la CJUE avait tenu en 2000 dans deux arrêts concernant le prélèvement de la CSG et de la CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement des travailleurs résidant en France mais soumis à la législation de sécurité sociale d’un autre État membre.
Suite à cette décision, la Commission européenne devrait, selon toute vraisemblance, relancer la procédure d’infraction (n°2013/4168) qu’elle avait engagée en 2013 et qui était jusqu’alors suspendue. Elle fait grief à la France de prélever la CSG et la CRDS sur les revenus immobiliers de source française des non-résidents qui sont soumis à la législation de sécurité sociale d’un autre État membre de l’UE. Pour mémoire, cette disposition a été introduite dans le code de la sécurité sociale par la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.
J’appelle le Gouvernement à réunir, dans les meilleurs délais, le groupe de travail sur la fiscalité des Français établis hors de France. Il importe en effet que les parlementaires soient rapidement informés des conséquences qui seront tirées de l’arrêt de la CJUE. À mon sens, les non-résidents qui ne sont pas affiliés au système français de sécurité sociale sont en droit de solliciter le remboursement des prélèvements qui ont été indûment réalisés en France sur leurs revenus du patrimoine (plus-values immobilières, loyers) depuis 2012. Les sommes concernées sont estimées à environ 250 millions d’euros par an.
Vous pouvez prendre connaissance de l’arrêt de la CJUE en cliquant ici
Ajout du 6 mars, en réponse à plusieurs commentaires ci-dessous, voir « Arrêt de la CJUE : quelques précisions »