Le 12 mai, la Cour des comptes a rendu public un référé sur la gestion des impôts dus en France par les non-résidents. Ce référé fait suite à un contrôle de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux (DRESG), service à compétence nationale de la direction générale des finances publiques (DGFIP) qui est notamment chargé de gérer, recouvrer et contrôler les impôts dus en France par les personnes physiques et morales non-résidentes, qu’elles soient françaises ou étrangères.
La DRESG recouvre les impôts (impôt sur le revenu, impôt de solidarité sur la fortune, etc.) et certains prélèvements sociaux dus par environ 200.000 foyers fiscaux qui résident à l’étranger et perçoivent des revenus ou détiennent des actifs en France (1,1 milliard d’euros en 2013). Elle recouvre également les impôts dus par un peu plus de 20.000 entreprises étrangères sans établissement stable en France (1 milliard d’euros en 2013). Enfin, elle rembourse à des entreprises étrangères la TVA payée au titre de leurs activités en France (3,6 milliards d’euros en 2013) et des impôts que la France doit leur reverser en application de décisions judiciaires (0,4 milliard d’euros en 2013).
En 2013, la DRESG a reçu 199.000 déclarations d’impôt sur le revenu et 6.000 déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune sans qu’il soit possible de les ventiler selon la nationalité des déclarants.
Suite à ses investigations, la Cour des comptes a formulé plusieurs critiques.
Elle déplore la « faible qualité des services rendus aux non-résidents ». L’information fournie par le site impots.gouv.fr est jugée « insuffisante et actualisée trop tardivement ». Résultat : en août 2013, en examinant leur avis d’imposition, de nombreux contribuables ont découvert « la soumission nouvelle de leurs revenus fonciers et plus-values immobilières aux prélèvements sociaux et ont cru y déceler une erreur de la DRESG ». Cette dernière a ainsi reçu « 60.000 appels téléphoniques de plus que les années précédentes en septembre et octobre ». Pas moins de trois semaines ont été nécessaires pour faire figurer « une mention sur le site impots.gouv.fr pour informer les contribuables ».
La Cour a également constaté que l’accueil téléphonique de la DRESG est « fréquemment saturé ». De 2011 à 2013, seulement 25% des appels ont été traités en moyenne (environ 100.000 sur 400.000). Ce taux n’a jamais dépassé 50% sur un mois. De plus, « les plages d’ouverture de l’accueil téléphoniques sont inadaptées aux décalages horaires et la procédure de rappel téléphonique est très peu utilisée ».
Pour ce qui concerne les 100.000 courriels reçus chaque année par la DRESG, « moins d’un sur deux est traité dans les cinq jours […] et le stock de courriels non traités dépasse parfois 10.000 ».
S’agissant des télé-procédures pour déclarer ses revenus et payer ses impôts, « des obstacles techniques […] s’y opposent parfois encore ».
Par ailleurs, la Cour considère que la relance des contribuables qui ne remplissent pas leurs obligations, le contrôle des déclarations reçues et l'efficacité du recouvrement des impôts « présentent d'importantes défaillances ». Elle estime que la DRESG « pourrait développer » la relance amiable des contribuables qui ne remplissent pas leurs obligations déclaratives.
En ce qui concerne le contrôle des déclarations, la Cour constate que les outils d’analyse des risques de la DGFIP « ne sont pas nécessairement adaptés aux spécificités des déclarations et du régime fiscal des non-résidents ». De plus, les partenariats entre la DRESG et les directions nationales d’enquête et de contrôle fiscal pourraient être « plus dynamiques ».
La Cour note que les contrôles externes sont peu nombreux (60 par an, dont une demi-douzaine sur des particuliers) et aboutissent à des redressements « assez limités » (de 15 à 45 millions d’euros par an). Quant aux contrôles sur pièces, ils sont « nettement plus nombreux que les contrôles externes pour les particuliers (près de 4.000 en 2013, soit 2% des contribuables particuliers) et un peu plus nombreux pour les professionnels (près de 200, soit 1% des contribuables professionnels) ». Cependant, les redressements « restent aussi limités » (entre 30 et 45 millions par an pour les particuliers et les professionnels). Les magistrats de la rue Cambon regrettent que « l’analyse des impôts dus par les particuliers sur leurs revenus et leur patrimoine et par les entrepreneurs individuels reste encore trop fréquemment réalisée dans des services différents et cloisonnés ». Ils constatent également que « les contribuables sont inégalement contrôlés selon leur lieu de résidence et les relances sont encore trop souvent limitées aux contribuables résidant dans un nombre restreint de pays ».
Le taux de recouvrement à l’échéance des impôts des particuliers non-résidents n’est que de 91% contre une moyenne de 98% pour l’ensemble de la DGFIP. Le taux de recouvrement au bout de deux ans des créances issues d’un contrôle fiscal externe est de 55% pour la DRESG en 2013, contre 75% pour l’ensemble de la DGFIP. Conséquence : fin 2013, près de 15.000 créances restaient à recouvrer au titre des années 2013 et antérieures, pour un montant de presque 500 millions d’euros, soit une année de produit de l’impôt sur le revenu des non-résidents.
La Cour note que « les obstacles au recouvrement de l’impôt dû en France sont multiples dans certains pays étrangers ». Elle relève aussi que de nombreux États tiers à l’Union européenne n’adhèrent pas à la procédure internationale d’assistance.
D’après les magistrats de la rue Cambon, la faible qualité des services rendus aux non-résidents et l’insuffisance du recouvrement et des contrôles réalisés sur les impôts dus par ces contribuables résultent d’» une législation complexe et fragile dont les modalités d’application sont précisées trop tardivement ». Elles découlent aussi de « l’insuffisante professionnalisation et spécialisation du service en charge de la fiscalité des non-résidents ».
Afin de remédier à cette situation, la Cour recommande au Gouvernement d’engager « sans retard » une « action vigoureuse de réforme » :
1) Mise en œuvre rapide d’un programme d’amélioration de la qualité des services rendus aux non-résidents reposant sur une modernisation des outils d’information et de communication.
2) Raccourcissement des délais de publication des décrets d’application et des instructions qui précisent les nouvelles règles fiscales concernant les non-résidents.
3) Spécialisation de la DRESG dans la gestion de la fiscalité des non-résidents, rattachement de la DRESG au service de la gestion fiscale de la DGFIP et transfert à l’administration centrale de la DGFIP ou au secrétariat général du ministère des finances les fonctions de support administratif qu’elle exerce actuellement.
4) Affectation aux fonctions de recouvrement et de contrôle d’agents ayant un profil adapté aux spécificités des non-résidents et mise à niveau des outils informatiques.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le référé en cliquant ici.