Le projet de loi de finances pour 2016 et le projet de loi de finances rectificative pour 2015 ont été adoptés définitivement le 17 décembre. Ces deux textes comprennent plusieurs dispositions intéressant les Français établis hors de France.
Lors de la première lecture du projet de loi de finances pour 2016, le Sénat avait adopté, à mon initiative, un amendement prévoyant l’application de la décote à tous les non-résidents qui ne perçoivent aucun ou quasiment aucun revenu de source étrangère. La décote est un mécanisme fiscal qui permet de minimiser, voire d’annuler, l’impôt dû par les contribuables modestes entrant dans la première tranche du barème. En l’état actuel du droit, elle s’applique uniquement aux non-résidents dits « Schumacker », c’est-à-dire les contribuables établis dans les États membres de l’Espace économique européen (EEE) dont les revenus de source française sont supérieurs ou égaux à 75% de leur revenu mondial imposable. Cosigné par Hélène Conway-Mouret, Claudine Lepage et Jean-Yves Leconte, mon amendement visait à étendre le bénéfice de la décote aux contribuables établis dans les États tiers à l’EEE qui tirent l’essentiel de leurs revenus de la France. Lors de la nouvelle lecture, à l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a malheureusement supprimé cette disposition. Cela est est d’autant plus regrettable que la rapporteure générale du budget, Valérie Rabault, proposait d’adopter cette disposition sans modification, considérant qu’il s’agissait d’» une mesure d’égalité entre les contribuables ». Il conviendra de remettre l’ouvrage sur le métier.
1) Simplification des démarches à effectuer pour bénéficier de l’application du taux moyen d’imposition
Le projet de loi de finances pour 2016 ouvre la voie à la simplification des démarches que les non-résidents qui perçoivent des revenus de source française doivent effectuer pour bénéficier de l’application du taux moyen d’imposition.
En vertu de l’article 197 A du code général des impôts, l’impôt payé par les non-résidents qui perçoivent des revenus de source française ne peut être inférieur à 20% du revenu net imposable. Cependant, ce taux minimum d’imposition n’est pas applicable lorsque le contribuable peut justifier que l’application de l’impôt français à l’ensemble de ses revenus mondiaux aboutirait à un taux moyen d’imposition inférieur à 20%. Dans ce cas, c’est ce taux moyen qui est appliqué aux revenus de source française. Cette disposition permet de prendre en considération la situation des non-résidents ayant des revenus modestes.
Pour que le taux moyen d’imposition s’applique, le contribuable doit, d’une part, indiquer, dans sa déclaration de revenus, le montant total de ses revenus mondiaux et, d’autre part, tenir à la disposition de l’administration fiscale tout document établissant le montant de ses revenus de source étrangère. Si le contribuable n’effectue pas cette démarche dès sa déclaration de revenus, il peut demander à bénéficier du taux moyen en envoyant au fisc français les pièces justificatives qui lui ont été transmises par l’administration fiscale de son pays de résidence. Dans ce dernier cas, plusieurs années peuvent s’écouler avant que le contribuable puisse contester l’application du taux minimum d’imposition.
Lors de la première lecture du projet de loi de finances, à l’initiative de Valérie Rabault, Philip Cordery, Arnaud Leroy, Christophe Premat et Pierre-Yves Le Borgn’, l’Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à simplifier cette procédure, qui demeure méconnue et peu utilisée. Il prévoit que les contribuables domiciliés dans un État membre de l’UE ou dans un pays avec lequel la France est liée par une convention d’assistance administrative de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales peuvent, dans l’attente de pouvoir produire des pièces justificatives, annexer à leur déclaration de revenus une déclaration sur l’honneur dont les modalités seront fixées par décret. Le taux moyen d’imposition serait ainsi appliqué a priori aux revenus de source française.
Au Sénat, cette disposition avait été supprimée par la majorité conservatrice, à l’initiative de Robert del Picchia, Jacky Deromedi, Louis Duvernois, Christophe-André Frassa, Joëlle Garriaud-Maylam et Olivier Cadic.
Lors de la nouvelle lecture, l’Assemblée nationale l’a heureusement rétablie, estimant qu’elle assouplit les formalités incombant aux contribuables non-résidents.
2) Mensualisation du paiement de l’impôt pour les contribuables établis hors de France et disposant d'un compte SEPA
Le projet de loi de finances pour 2016 comprend également une disposition permettant aux Français établis dans l’Espace unique de paiements en euros (SEPA) de mensualiser le paiement de leurs impôts en France.
En l’état actuel du droit, les contribuables ont la faculté de payer leur impôt sur le revenu par prélèvement mensuel via un compte ouvert dans un établissement habilité.
Depuis le 1er août 2014, tous les prélèvements et virements en euros et effectués en Europe doivent être conformes à la norme SEPA (Single Euro Payments Area), qui remplace, s'agissant de la France, le titre interbancaire de paiement (TIP). Le principal objectif du système SEPA est d'harmoniser les différences qui existent entre les paiements nationaux et les paiements transfrontaliers en euros, en ayant notamment recours à un numéro de compte bancaire international unique (IBAN).
Depuis le 28 octobre dernier, les contribuables peuvent payer leur impôt en ligne depuis un compte SEPA. En 2016, cette possibilité sera étendue au prélèvement mensuel et au prélèvement à échéance.
Toutefois, le code général des impôts ne prévoit pas explicitement la possibilité d'un prélèvement mensuel de l'impôt sur le revenu sur un compte SEPA. L'enjeu est notamment important pour les contribuables établis hors de France, qui, pour des raisons techniques, n'avaient pas accès à la mensualisation à l'époque de l'utilisation du TIP.
Lors de la première lecture du projet de loi, à l’initiative de Philip Cordery, Arnaud Leroy, Christophe Premat et Pierre-Yves Le Borgn’, l’Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à préciser, dans le code général des impôts, d'une part, que les comptes bancaires sur lesquels sont effectués les prélèvements mensuels peuvent être établis en France ou dans la zone SEPA et, d'autre part, que les prélèvements mensuels n'entraînent aucun frais pour le contribuable.
Bien qu’elle n'apporte pas de changement par rapport au droit en vigueur, cette disposition apporte une précision utile. C'est pourquoi elle a été adoptée conforme par le Sénat.
3) Abrogation des dispositions relatives à l’imposition forfaitaire de certains résidents de pays tiers sur la valeur locative de leurs habitations en France
Quant au projet de loi de finances rectificative pour 2015, il prévoit l’abrogation des dispositions relatives à l’imposition forfaitaire de certains non-résidents disposant en France d’une ou plusieurs habitations, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2015.
En principe, les contribuables domiciliés hors de France sont imposables à raison de leurs seuls revenus de source française. Toutefois, l’article 164 C du code général des impôts prévoit que les personnes fiscalement domiciliées à l’étranger qui disposent d’une ou plusieurs habitations en France sont assujetties à l’impôt sur le revenu « sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l’impôt ».
Plusieurs exceptions sont prévues. Ainsi, l’imposition forfaitaire minimale ne s’applique pas :
- aux contribuables domiciliés dans des pays ou territoires ayant conclu avec la France une convention fiscale destinée à éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu ;
- aux contribuables de nationalité française lorsqu’ils justifient être soumis dans le pays où ils ont leur domicile fiscal à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus au moins égal aux deux tiers de l’impôt qu’ils auraient à supporter en France sur la même base d’imposition ;
- aux contribuables de nationalité française dont l’expatriation est justifiée par des impératifs d’ordre professionnel et dont le domicile fiscal était situé en France de manière continue pendant les quatre années précédant leur transfert.
Compte tenu de ces exonérations, seules 114 personnes sont actuellement assujetties à cette imposition, notamment des nationaux d’autres États que la France résidant à Monaco.
Tirant les conséquences d'un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 17 octobre 2013 (affaire Welte), le Conseil d’État a conclu, dans deux décisions successives, que l’imposition forfaitaire des non-résidents était contraire au principe de libre circulation des capitaux figurant à l’article 56 du traité instituant la Communauté européenne. L’article 164 C du CGI ayant pour objet de « soumettre la détention en France d’immeubles d’habitation à une imposition qui n’est due que par les personnes n’ayant pas leur domicile fiscal en France », le Conseil d’État a considéré « qu’une telle mesure est de nature à dissuader les non-résidents d’acquérir ou de détenir de tels immeubles ».
Afin de mettre en conformité notre législation avec le droit européen, l’Assemblée nationale a adopté, à l’initiative de Philip Cordery, Arnaud Leroy et Dominique Lefebvre, un amendement visant à supprimer l’imposition forfaitaire de certains non-résidents disposant d’une ou plusieurs habitations en France. La perte de recettes est estimée à 86.000 euros. Cette disposition a été adoptée sans modification par le Sénat.