En vertu de la jurisprudence dite « Schumacker » [note 1], les contribuables établis dans les États membres de l’Espace économique européen (États membres de l’UE, Islande, Liechtenstein et Norvège) [note 2] qui tirent l’essentiel de leurs revenus de la France [note 3] sont assimilés, en droit interne, à des personnes fiscalement domiciliées en France pour la détermination de leur impôt sur le revenu.
En d’autres termes, ils peuvent bénéficier, en France, des avantages fiscaux applicables aux résidents (application du mécanisme de la décote ; déductibilité des charges ; bénéfice des réductions et crédits d’impôt ; exemption du taux minimal d’imposition de 20% ; etc.). Cette assimilation est cependant subordonnée à l’impossibilité pour les contribuables concernés de bénéficier, dans leur État de résidence, des avantages fiscaux précités.
=> La Suisse ne faisant pas partie de l’EEE, ses résidents ne sont pas censés pouvoir bénéficier de la jurisprudence dite « Schumacker ».
Toutefois, dans un jugement du 13 janvier 2016, le tribunal administratif de Montreuil a considéré qu’une personne fiscalement domiciliée en Suisse qui exerce en France une activité salariée dont elle tire 68% de son revenu mondial imposable peut se prévaloir de l’accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes (ALCP) [note 4] pour bénéficier du statut de « non-résident Schumacker ». Selon le TA de Montreuil, le principe de la libre circulation des travailleurs qui figure dans l’ALCP est équivalent à celui prévu par l’article 45 du traité sur le fonctionnement de l’UE, et sur lequel est fondé l’arrêt dit « Schumacker ».
Ce jugement s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence de la CJUE. En effet, dans un arrêt du 28 février 2013, la Cour de Luxembourg, se fondant sur l’ALCP, a jugé que l’Allemagne ne pouvait pas refuser le bénéfice de l’imposition conjointe – prévue par sa législation – à des résidents suisses percevant la totalité de leurs revenus en Allemagne [note 5].
=> L’affaire dont a été saisi le TA de Montreuil n’est pas close, le jugement ayant été frappé d’appel devant la cour administrative d’appel de Versailles [note 6].
À suivre…
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1. CJCE, 14 février 1995, affaire C-279/93, Finanzamt Köln-Altstadt contre Roland Schumacker.
2. Les États concernés sont ceux qui ont conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale.
3. Les personnes concernées sont celles dont les revenus de source française sont supérieurs ou égaux à 75% de leur revenu mondial imposable. Si ce pourcentage n’est pas atteint, un contribuable peut être assimilé à un « non-résident Schumacker » s’il apporte la preuve, d’une part, que ses revenus de source française sont supérieurs ou égaux à 50% de son revenu mondial imposable et, d’autre part, qu’il ne bénéficie, compte tenu de sa situation personnelle et familiale, d’aucun mécanisme de nature à minorer son imposition dans son État de résidence.
4. Accord conclu entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999.
5. CJUE, 28 février 2013, affaire C-425/11, Katja Ettwein contre Finanzamt Konstanz.
6. Le requérant n’a pas obtenu gain de cause car il n’a pas été en mesure de prouver qu’il n’a pas pu déduire la totalité de ses pensions alimentaires en Suisse.