Le 24 novembre, à l’occasion de l’examen en séance publique du projet de loi de finances pour 2018, j’ai présenté un amendement visant à permettre la déductibilité des charges supportées par tous les non-résidents qui, d’une part, tirent l’essentiel de leurs revenus de la France et, d’autre part, ne bénéficient, dans le cadre de l’imposition des revenus attribuée à l’État de résidence, d’aucun mécanisme de nature à minorer cette imposition en fonction de leur situation personnelle et familiale.
Actuellement, la non-déductibilité pose problème car les charges (pensions alimentaires, prestations compensatoires, etc.) peuvent faire l’objet d’une double imposition, à la fois au titre des revenus des non-résidents et au titre de ceux des personnes attributaires.
La mesure de justice prévue par mon amendement s’applique d’ores et déjà aux non-résidents dits « Schumacker », c’est-à-dire les personnes fiscalement domiciliées dans l’Union européenne et l’Espace économique européen (EEE) dont les revenus de source française sont supérieurs ou égaux à 75% de leur revenu mondial imposable, et qui ne bénéficient pas de mécanismes suffisants de nature à minorer l’imposition dans l’État de résidence, en fonction de leur situation personnelle et familiale, en raison de la faiblesse des revenus imposables dans ce même État.
En 2014, j’avais déposé un amendement similaire. François MARC, alors rapporteur général de la commission des finances du Sénat, avait apporté son soutien à cet amendement – finalement rejeté –, estimant que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dite « Schumacker » « a pu faire naître le sentiment d’une forme de discrimination au détriment de nos compatriotes établis, par exemple, en Tunisie, au Canada ou aux États-Unis, bref dans un État tiers à l’Espace économique européen ». D’après M. MARC, la solution proposée était « raisonnable » car elle concernait des non-résidents qui « contribuent […] déjà de manière importante à l’impôt en France ».
Par ailleurs, mon amendement s’appuyait sur une jurisprudence récente. En effet, dans un jugement du 13 janvier 2016, le tribunal administratif de Montreuil a considéré qu’une personne fiscalement domiciliée en Suisse – c’est-à-dire hors EEE – qui exerce en France une activité salariée dont elle tire l’essentiel de son revenu mondial imposable peut bénéficier du statut de non-résident « Schumacker ». Cette interprétation a été confirmée par la cour administrative d’appel de Versailles le 16 mars dernier.
En dépit du soutien de plusieurs de mes collègues sénateurs, mon amendement n’a malheureusement pas été adopté, le Gouvernement considérant que la jurisprudence dite « Schumacker » s’applique aux résidents de Suisse uniquement en raison de l’existence d’un accord sur la libre circulation des personnes entre la Confédération suisse et les États membres de l’UE (accord du 21 juin 1999).