Le 20 décembre, le projet de loi de finances pour 2019 a été définitivement adopté par le Parlement.
Ce texte comprend plusieurs mesures contribuant à rapprocher le régime d’imposition des revenus de source française des non-résidents de celui applicable aux personnes fiscalement domiciliées en France.
1) Nouvelles modalités d’imposition des salaires, pensions et rentes viagères à titre gratuit de source française
Actuellement, les traitements, les salaires, les pensions et les rentes viagères servis aux non-résidents font l’objet d’une retenue à la source spécifique qui est calculée par tranches de revenus aux taux de 0%, 12% et 20% [1]. Seule la fraction qui a été soumise au taux de 20% est imposée – avec les autres revenus de source française imposables en France – au barème progressif de l’impôt sur le revenu, mais avec application du taux minimum de 20% [2]. Les contribuables ont cependant la possibilité de bénéficier du taux moyen lorsqu’ils justifient que l’application du barème progressif à l’ensemble de leurs revenus de sources française et étrangère aboutirait à un taux d’imposition inférieur au taux minimum de 20% [3]. Dans tous les cas, la retenue prélevée au taux de 20% est imputable sur le montant de l’impôt sur le revenu.
La retenue à la source spécifique a été remplacée par une retenue à la source non libératoire qui sera calculée par l’application de la grille de taux par défaut utilisée pour le prélèvement à la source. Cette disposition s’appliquera aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2020. La retenue continuera de s’imputer sur le montant de l’impôt résultant de la soumission au barème progressif de l’ensemble des revenus de source française imposables en France.
Par ailleurs, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2018, le taux minimum d’imposition sera appliqué de manière progressive. La fraction des revenus de source française inférieure à la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu – actuellement fixée à 27.086 euros – sera imposée à 20%. La fraction supérieure à cette même limite sera, quant à elle, imposée à 30% [4]. Selon le Gouvernement, les non-résidents seront ainsi incités à déclarer plus systématiquement leurs revenus mondiaux pour bénéficier du taux moyen d’imposition [5].
À cet égard, il convient de noter que les non-résidents sollicitant l’application du taux moyen d’imposition auront désormais la possibilité de déduire de leurs revenus les pensions alimentaires. Le bénéfice de cette dernière disposition sera conditionné au fait que les pensions versées sont imposables en France et qu’elles n’ont pas déjà donné lieu, pour le contribuable, à un avantage fiscal dans son État de résidence.
2) Élargissement des possibilités d’exonération des plus-values immobilières réalisées en France
Les non-résidents qui réalisent des plus-values immobilières en France sont exclus du bénéfice de l’exonération intégrale en faveur de la résidence principale, qui est applicable aux seuls résidents. En revanche, ils peuvent bénéficier d’un dispositif d’exonération spécifique, qui a récemment été déclaré conforme à la Constitution [6].
Assoupli en 2013, ce dispositif d’exonération s’applique dans la limite d’une résidence par contribuable et de 150.000 euros de plus-value nette imposable. Pour pouvoir en bénéficier, le cédant doit avoir été fiscalement domicilié en France de manière continue pendant au moins deux ans à un moment quelconque avant la cession. De plus, la cession doit intervenir au plus tard le 31 décembre de la cinquième année suivant celle du départ à l’étranger. Cette condition de délai ne s’applique pas lorsque le cédant a la libre disposition du bien au moins depuis le 1er janvier de l’année précédant celle de la cession.
Les non-résidents dont le logement situé en France est occupé pourront désormais bénéficier de l’exonération partielle des plus-values si la cession est intervenue avant le 31 décembre de la dixième année suivant celle du transfert de domicile fiscal hors de France.
Un nouveau dispositif d’exonération a, par ailleurs, été créé. Les personnes qui mettent en vente leur résidence principale après avoir transféré leur domicile fiscal hors de France auront la possibilité de bénéficier d’une exonération totale des plus-values [7]. Le bénéfice de cette exonération sera subordonné à une double condition. Premièrement, la cession devra avoir été réalisée au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle du départ à l’étranger. Deuxièmement, l’immeuble ne devra pas avoir été mis à la disposition de tiers, à titre gratuit ou onéreux, entre le départ à l’étranger et la cession. Il est par ailleurs à noter que les contribuables ne pourront pas bénéficier de cette exonération totale s’ils ont déjà bénéficié de l’exonération partielle.
Outre les deux dispositifs d’exonération susmentionnés, les non-résidents peuvent bénéficier, d’une part, des mesures exceptionnelles de réduction de l’assiette imposable des plus-values immobilières applicables aux résidents et, d’autre part, d’exonérations applicables aux résidents, dont l’abattement pour durée de détention [8].
3) Extension du bénéfice du dispositif dit « Pinel » aux non-résidents
Le dispositif dit « Pinel » permet aux personnes réalisant des investissements locatifs intermédiaires de bénéficier d’une réduction d’impôt [9]. Les opérations concernées sont celles réalisées – entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2021 – dans certaines zones tendues et dans les communes couvertes par un contrat de redynamisation de site de défense actif. Le bénéfice de ce dispositif est actuellement réservé aux personnes fiscalement domiciliées en France.
Les contribuables ayant réalisé un investissement locatif alors qu’ils étaient fiscalement domiciliés en France auront désormais la possibilité de conserver, au regard de leurs revenus de source française, le bénéfice de l’avantage fiscal pour les années restant à courir après leur départ hors de France. Seront concernés les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2019.
Cette disposition a été insérée par un amendement que j’avais déposé avec mes collègues du groupe La République en Marche, en lien avec Anne Genetet, députée de la 11ème circonscription des Français établis hors de France.
Lors de la première lecture du projet de loi de finances, j’avais présenté d’autres amendements, qui n’ont malheureusement pas été adoptés :
- maintien des abattements de 10% dont il est actuellement fait application pour le calcul de la base de la retenue (abattement de 10% pour frais professionnels, abattement de 10% en faveur des pensionnés et retraités) ;
- possibilité, pour les non-résidents qui sollicitent l’application du taux moyen d’imposition, de déduire les prestations compensatoires de leurs revenus mondiaux ;
- inclusion, dans le champ des personnes considérées comme fiscalement domiciliées en France, des agents des collectivités territoriales en poste à l’étranger qui ne sont pas soumis, dans le pays où ils exercent leurs fonctions, à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus.
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[1] Article 182 A du code général des impôts.
[2] Prévu à l’article 197 A du code général des impôts, le taux minimum d’imposition ne s’applique pas aux contribuables établis dans les États membres de l’Espace économique européen qui tirent l’essentiel de leurs revenus de France (non-résidents dits « Schumacker »).
[3] Les contribuables qui estiment pouvoir bénéficier du taux moyen d’imposition doivent porter en case 8 TM de leur déclaration de revenus le montant global des revenus de source française et étrangère de leur foyer fiscal.
[4] Le projet de loi prévoyait initialement un relèvement à 30% du taux minimum d’imposition. Prévue pour s’appliquer de manière uniforme, cette disposition a été supprimée par le Sénat. Lors de la nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a adopté, à l’initiative du rapporteur général et du groupe LREM, une position de compromis consistant en une limitation du relèvement du taux à 30% à la fraction des revenus de source française qui est supérieure au seuil d’entrée dans la tranche de 30% du barème progressif de l’impôt sur le revenu.
[5] Depuis 2016, les contribuables domiciliés dans un État membre de l’UE ou dans un pays avec lequel la France est liée par une convention d’assistance administrative de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales peuvent bénéficier d’une application a priori du taux moyen. Pour ce faire, ils doivent annexer à leur déclaration de revenus une déclaration sur l’honneur de l’exactitude des informations fournies, dans l’attente de pouvoir produire les pièces justificatives (copie certifiée conforme de l’avis d’imposition émis par l’administration fiscale de l’État de résidence ; double de la déclaration de revenus souscrite dans l’État de résidence à raison des revenus de l’ensemble des membres du foyer fiscal).
[6] Dans un jugement en date du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Versailles considère que le fait d’exclure les non-résidents de l’exonération totale et de limiter à 150.000 euros l’exonération qui leur est applicable peut être « de nature à dissuader un résident fiscal de France qui devient résident fiscal d’un pays tiers de céder sa résidence principale et, dans cette mesure, restreindre la circulation du produit de cette vente à destination de son nouveau pays de résidence ». Or, les restrictions aux mouvements de capitaux sont interdites par l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
[7] Le domicile fiscal devra avoir été transféré dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement, à condition que cet État ou territoire ne soit pas considéré comme non coopératif.
[8] L’exonération totale des plus-values immobilières au titre de l’impôt sur le revenu est acquise à l’issue d’un délai de détention de 22 ans. L’exonération totale au titre des prélèvements sociaux est, elle, acquise à l’issue d’un délai de détention de 30 ans.
[9] Article 199 novovicies du code général des impôts.