Signature d’un accord créant un nouveau régime matrimonial au Palais de l’Élysée 4 février 2010
Le 10 février dernier lors du cocktail destiné à remercier toux ceux qui ont participé à l’élaboration de l’accord entre la République fédérale d’Allemagne et la République Française, la directrice des Affaires civiles et du Sceau Pascale Fombeur s’est notamment exprimée en ces termes :
Une avancée juridique et politique
par Pascale Fombeur
[...]
Cet accord est véritablement novateur. En matière de droit civil, il est exceptionnel de parvenir à une harmonisation du droit matériel. Même dans le cadre de l’Union européenne, nous nous contentons et non sans difficulté - d’harmoniser nos règles de conflits de lois et de faciliter la reconnaissance mutuelle des jugements. C’est encore plus vrai en droit de la famille, qui est marqué par des différences très importantes selon les pays d’Europe.
Vous vous souvenez peut-être de l’échec de la proposition de règlement sur la loi applicable au divorce. Je peux vous dire, pour avoir assisté au dernier conseil des ministres de la Justice de l’Union européenne, à Tolède, en janvier dernier, que les discussions sur la future proposition de règlement en matière de régimes matrimoniaux seront particulièrement délicates, alors même qu’il s’agit uniquement d’harmoniser les règles relatives à la détermination de la juridiction compétente et de la loi applicable.
Avec cet accord sur le régime matrimonial commun, nous sommes allés beaucoup plus loin. Nous sommes parvenus au rapprochement le plus poussé que l’on pouvait imaginer entre les droits français et allemand, puisque nous créons un régime matrimonial identique de part et d’autre du Rhin.
[...]
Cet accord constitue une grande avancée juridique. C’est la première fois que deux pays de l’Union européenne harmonisent leur droit matériel dans un domaine aussi complexe et sensible.
C’est également une grande avancée politique dans le cadre des relations franco-allemandes qui témoigne, s’il en était nécessaire, de la proximité de nos deux pays et de la solidité du couple franco-allemand.
Quelle vont être les suites de cette signature ?
Tout d’abord, ce traité porte sur une matière relevant du domaine de la loi. Cela veut dire que sa ratification devra être autorisée par le Parlement Nous sommes en train de préparer la saisine du Conseil d’État pour que le projet de loi puisse être très rapidement adopté par le Conseil des ministres puis déposé au Parlement.
Ensuite, il s’agit d’un traité ouvert tout État membre de l’Union européenne pourra y adhérer s’il le souhaite. Il n’est pas exclu que ce régime matrimonial puisse un jour être choisi par des couples belgo-luxembourgeois, par exemple...
Enfin, un nouveau sujet de coopération entre les ministères de la justice français et allemand a déjà été choisi, dès lors que le projet de régime matrimonial a été mené à son terme. C’est, cette fois-ci, un thème intéressant les entreprises qui a été retenu, puisqu’il s’agit des procédures collectives applicables aux groupes de sociétés, notamment lorsque ces sociétés ont leur siège dans des États différents. Sujet certes moins gai que le régime matrimonial, mais tout aussi utile...
Accord créant un régime matrimonial franco-allemand
De façon très novatrice, l’accord entre la République Française et la République fédérale d’Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts, signé Le jeudi 4 février 2010, crée un droit matériel commun à la Franco et à l’Allemagne. Il présente un intérêt pratique immédiat notamment, mais pas uniquement, pour les couples binationaux. Actuellement les couples franco-allemands, ainsi que les couples français résidant en Allemagne ou allemands résidant en France, peuvent choisir un régime matrimonial français ou allemand. Ces régimes, bien que proches juridiquement, demeurent différents, ce qui peut entraîner des difficultés. C’est la raison pour laquelle les ministres de la justice français et allemand ont décidé, au printemps 2006, la mise en place d’un groupe de travail, composé d’experts des deux pays, afin de déterminer les modalités de création d’un régime matrimonial commun. Deux années de négociations, marquées par neuf réunions du groupe, alternativement à Paris et à Berlin, ont permis d’élaborer un régime matrimonial nouveau, inspiré des régimes de participation aux acquêts existant dans chacun des deux pays. Ce régime fonctionnera selon des règles simples et modernisées, identiques en Franco et en Allemagne. Il s’agit d’un régime optionnel de participation aux acquêts, qui ne peut être choisi que par contrat de mariage. Il fonctionnera comme un régime séparatiste pendant le mariage mais, à son issue, les époux se répartiront l’écart existant entre leurs enrichissements respectifs, mesurés par comparaison entre le patrimoine originaire et le patrimoine final de chaque époux. Il pourra être choisi par l’ensemble des couples dont le régime matrimonial est soumis à la loi d’un État contractant, notamment parce que l’un des époux a la nationalité française ou allemande ou réside habituellement en France ou en Allemagne. Il ne concernera donc pas que des couples franco-allemands. D’autres États de l’Union européenne pourront adopter ultérieurement ce régime matrimonial, par adhésion au traité.
I. FONCTIONNEMENT DU RÉGIME
Le régime commun fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens ce qui entraîne deux conséquences :
- les époux conservent l’administration, la jouissance et la libre disposition de leurs biens personnels,
- chacun d’eux reste seul tenu des dettes nées de son chef, avant ou pendant le mariage.
La séparation du patrimoine des époux n’est cependant pas entière, dans la mesure où ils ne peuvent déroger à l’application de certaines règles impératives relatives au logement de la famille et à la solidarité pour les dettes engagées dans l’intérêt du ménage.
II. LIQUIDATION DU RÉGIME
Les causes de dissolution sont :
- le décès ou la déclaration d’absence de l’un des époux ;
- le changement de régime matrimonial ;
- le jugement de divorce ;
- toute autre décision judiciaire devenue définitive, emportant dissolution du régime matrimonial
La détermination du montant de la créance de participation
À la dissolution du régime, l’époux qui a réalisé le moins d’acquêts pendant le régime peut faire valoir à l’encontre de son conjoint une créance de participation, égale à la moitié de la différence entre les acquêts de chacun des époux.
La comparaison du patrimoine originaire et du patrimoine final de chaque époux permet de déterminer dans quelle mesure chaque époux s’est enrichi ou non pendant le mariage.
- Le patrimoine originaire se compose d’une part des biens qui appartiennent à l’époux à la date à laquelle le régime matrimonial entre en vigueur et des biens qu’il a acquis depuis par succession ou donation et, d’autre part, des dettes. La preuve du patrimoine originaire est en principe rapportée par un inventaire.
- Le patrimoine final regroupe l’ensemble des actifs qui appartiennent à l’époux au jour de la dissolution du régime matrimonial. Les dettes sont déduites. Les actifs qui appartiennent à l’époux au jour de la dissolution du régime matrimonial sont évalués à la date de la dissolution du régime.
Le règlement de la créance de participation
L’action en liquidation de la créance de participation se prescrit par trois ans à compter de la connaissance par l’époux de la dissolution du régime. En principe, la créance de participation est exigible dès l’achèvement des opérations de liquidation.
Elle donne lieu à un paiement en argent. Toutefois, le tribunal peut, à la demande de l’un ou l’autre des époux, ordonner son règlement en nature, lorsque celui-ci répond au principe d’équité.
(Les Annonces de la Seine du 11 mars 2010)