Le 11 avril, le Sénat a adopté l’article 22 du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Cet article fixe les conditions de reconnaissance et de transcription des mariages contractés à l’étranger entre personnes de même sexe avant l’entrée en vigueur de la loi.
Vous trouverez, ci-dessous, le texte de l’intervention que j’ai prononcée en séance publique.
Monsieur le président,
Mesdames les ministres,
Chers collègues,
Représentant les français établis hors de France, je connais les difficultés auxquelles ont été confrontés les couples de même sexe mariés à l’étranger.
Parfois poussés à l’exil pour s’unir, ces hommes et ces femmes ont subi de graves discriminations en représailles d’un acte d’amour légitime.
Souvenons-nous de ce Français déchu de sa nationalité en 2008. Le motif ? S’être marié aux Pays-Bas avec un Néerlandais dont il a acquis la nationalité en l’épousant. S’il s’était marié à une Néerlandaise, il aurait pourtant pu conserver sa nationalité française. Mais la France a préféré lui retirer sa nationalité que de le considérer comme marié à un homme, violant par la même occasion la convention qui la lie aux Pays-Bas.
Un cas isolé me direz-vous ? Un cas extrême certes, isolé certainement pas : tous les mariages de personnes de même sexe conclus à l’étranger en toute légalité, soit entre deux personnes ayant la nationalité française, soit entre une personne française et une personne étrangère, ne sont pas reconnus en France et ne produisent donc aucun effet.
Pourtant, le droit international privé a forcé la France à reconnaitre les mariages homosexuels célébrés à l’étranger entre deux étrangers dont la loi personnelle le permet. Nous sommes donc dans une situation ubuesque où les couples homosexuels étrangers mariés à l’étranger sont reconnus par la France et par conséquent davantage protégés par le droit français que les couples homosexuels français ou binationaux également mariés à l’étranger.
Face à cette injustice, j’avais déposé le 26 novembre 2008 une proposition de loi tendant à permettre la reconnaissance des unions conclues dans un autre État de l’Union européenne par tous les couples quelle que soit leur orientation sexuelle. En vain…
Car depuis, rien n’a bougé… Jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à ce moment historique où la France, 13 ans après les Pays-Bas tout de même, va enfin donner la possibilité aux couples de même sexe de se marier. Je ne reviendrai pas sur l’esprit de ce texte de progrès, de liberté et d’égalité. Je souscris aux interventions des membres de mon groupe qui ont porté cette réforme avec intelligence et enthousiasme.
Je défendrai pour ma part l’utilité de cet article 22 qui permettra aux mariages de couples homosexuels français et binationaux célébrés à l’étranger avant l’entrée en vigueur de cette loi d’être reconnus en France, sous réserve bien sûr d’avoir été conclus dans les mêmes conditions de validité que celles applicables en France.
Lors des débats à l’Assemblée, certains députés UMP ont reproché à cet article d’instituer une amnistie pour les couples de même sexe s’étant mariés à l’étranger. Une telle accusation est dénuée de tout fondement. Il n’est pas question d’amnistier quiconque puisqu’à aucun moment les couples de même sexe s’étant mariés à l’étranger n’ont enfreint la loi. Leur mariage est parfaitement légal, j’insiste.
Cependant, étant donné que les conditions de validité d’un mariage s’apprécient au jour de la célébration de ce dernier, les mariages déjà célébrés à l’étranger, bien que tout à fait légaux, et bien que devenus conformes au code civil, ne pourront toujours pas être reconnus. Il faudrait donc que des couples déjà mariés divorcent pour se remarier. Vous conviendrez que cette situation n’est pas satisfaisante. Le but de cet article est d’y remédier.
Il s’agira donc simplement de vérifier si le mariage antérieur a été conclu selon les règles applicables en France, et, si cela est le cas, de reconnaitre un tel mariage dans ses effets à l’égard des époux et des enfants. À compter de sa date de transcription le mariage produira également effet à l’égard des tiers.
Alors que nous votons par ce texte l’égalité devant le mariage entre tous les couples, faisons les choses jusqu’au bout en votant l’égalité après le mariage pour les couples déjà mariés.
C’est donc une disposition de bon sens et de justice que je vous demande de voter pour nos compatriotes de l’étranger.