Le 11 novembre 2010, j'avais interrogé la Garde des sceaux sur la possibilité offerte aux juristes justifiant d'un minimum de huit ans de pratique professionnelle en entreprise de rejoindre le barreau de Paris et de devenir avocats et sur le fait que la pratique professionnelle hors de France avait été exclue par un arrêt de la Cour de cassation. Sa réponse ci-dessous n'est pas réellement positive en ce qui l'exigence de compétence en droit français, et donc d'une pratique professionnelle exercée sur le territoire français. Néanmoins elle ouvre une porte avec la réflexion engagée sur la possibilité d'assouplir le texte. Reste aussi à savoir si la pratique du droit français à l'étranger peut être prise en compte.
Question n° 15890 adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés,
Publiée le : 11/11/2010
Texte de la question : M. Richard Yung attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la possibilité offerte aux juristes justifiant d'un minimum de huit ans de pratique professionnelle en entreprise de rejoindre le barreau de Paris et de devenir avocats. L'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qui organise cette passerelle ne pose aucun critère de territorialité à la procédure. Cependant, un arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 28 mars 2008 a de facto exclut les juristes français à l'étranger de cette prérogative, cet arrêt précisant que ces huit années de pratique professionnelle doivent avoir été effectuées sur le territoire français. À l'heure du principe de la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne et alors que de plus en plus de juristes choisissent aujourd'hui d'exercer une partie de leur carrière hors de France, il lui demande si le décret n° 91-1197 ne pourrait pas être modifié pour spécifier que la pratique professionnelle en entreprise à l'étranger sera prise en compte.
Réponse de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés,
Publiée le : 03/02/2011
Texte de la réponse : L'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat dispose que « sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat [...] 3° Les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises ». La Cour de cassation interprète strictement ce texte en raison du caractère dérogatoire de la voie d'accès à la profession d'avocat ouverte par ces dispositions. Le principe reste en effet que l'accès à la profession d'avocat est subordonné à une condition de diplôme en droit, à un examen d'accès dans un centre régional de formation professionnelle d'avocats, au suivi d'une formation théorique et pratique de dix-huit mois et à la réussite du certificat d'aptitude à la profession d'avocat. Dans un arrêt du 28 mars 2008, la première chambre civile a jugé, au visa de l'article 98 3° du décret précité, que « seuls peuvent prétendre au bénéfice de ce texte dérogatoire les juristes d'entreprise justifiant d'une pratique professionnelle d'au moins huit ans exercée sur le territoire français ». La pratique professionnelle exigée du juriste d'entreprise lui permet d'être dispensé de toute formation spécifique comme de tout examen pour accéder à la profession d'avocat. Elle doit par conséquent être de nature à garantir une connaissance effective et suffisante de l'impétrant en droit national. C'est d'abord en droit interne que des compétences professionnelles sont attendues d'un avocat inscrit à un barreau français. Pour tenir compte du développement de la libre circulation des prestataires de services dans l'Union européenne comme de l'enrichissement apporté par une expérience professionnelle à l'étranger, la chancellerie mène actuellement, en concertation avec le Conseil national des barreaux, une réflexion sur la possibilité d'assouplir ce texte tout en maintenant une réelle exigence de compétence en droit français à l'égard des bénéficiaires de cette passerelle professionnelle.