Il est parfois difficile d'avoir des réponses aux questions écrites posées à certains ministères. C'est le cas de celle que j'avais posée à la Garde des Sceaux il y a 8 mois sur les effectifs du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France. La situation de ce service et les très longs délais de traitement des demandes de certificat de nationalité que cela entraîne m'ont obligé à transformer la question en question orale afin d'avoir enfin une réponse.
Vous trouverez ci-dessous l'extrait du compte rendu de la séance des questions orales du 4 novembre avec ma question et la réponse qui malheureusement est loin d'être satisfaisante.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 885, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur un problème récurrent, à savoir les effectifs du service centralisé de la nationalité des Français nés et établis hors de France. Il s'agit du service auquel on s'adresse, de partout dans le monde, lorsque l'on a besoin de prouver que l'on a la nationalité française. Il a donc une certaine importance, en tout cas pour les requérants.
J'avais posé une question écrite sur le sujet en mars 2014 : elle est restée sans réponse. Je l'ai redéposée, sans plus de succès, en juin 2014. J'ai donc été obligé de la transformer en question orale pour obtenir une réponse du ministère de la justice, qui, visiblement, n'accorde par beaucoup d'intérêt aux questions des parlementaires.
Tout comme mes collègues représentant les Français de l'étranger, je reçois de nombreux courriers de personnes ayant fait une demande de certificat de nationalité française – ou CNF – quelques mois, voire quelques années auparavant, et qui s'inquiètent de savoir où en est leur demande, si elle a bien été reçue et quel en est le statut dans la chaîne de traitement.
Car c'est un fait que sans ce certificat, les personnes pouvant prétendre à la nationalité française ne peuvent venir en France, faute de visa. Quand on a vingt ans et que l'on veut faire ses études en France, ou quand l'on veut se marier ou obtenir la nationalité française pour un conjoint, devoir attendre deux ou trois ans avant d'obtenir ce certificat est très dommageable.
J'avais visité le service de la nationalité en juin 2007, dans le cadre d'un rapport parlementaire, et j'avais noté à l'époque que le retard de traitement des demandes variait de dix à treize mois et que le délai minimum de délivrance était de l'ordre de dix-huit mois.
J'y suis retourné en janvier dernier et j'ai malheureusement constaté que le service de la nationalité est en manque chronique de personnel, ce qui conduit à des délais toujours plus longs de traitement des demandes.
Les retards des rédacteurs oscillent entre neuf et quatorze mois pour l'instruction initiale des demandes nouvelles. À cela s'ajoutent souvent des délais de plusieurs mois pour des levées d'actes ou des demandes complémentaires de renseignements.
Pourtant, le traitement des dossiers a été rationalisé et le niveau de formation et d'engagement des rédacteurs est excellent.
La situation est encore plus difficile du fait que l'accroissement du nombre de dossiers à traiter ne se reflète dans le nombre de postes affectés. Entre 2009 et 2013, le nombre annuel de demandes de CNF est passé de plus de 14 000 à plus de 17 000. Sur la base de la charge de travail induite, le service devrait avoir une affectation de quarante-trois postes. Or le ministère de la justice n'a alloué que trente-six postes pour l'année 2013, dont seulement vingt-huit sont occupés.
Les dernières informations dont je dispose font état d'un effectif de vingt-sept personnes, soit un ratio proche de 50 %. Nous ne disposons donc que de la moitié des rédacteurs nécessaires pour accomplir cette charge de travail. Il s'agit d'une situation anormale et insupportable pour les demandeurs.
Pourriez-vous m'indiquer, monsieur le secrétaire d'État, même s'il ne s'agit pas directement de votre portefeuille, quelles sont les mesures envisagées pour accorder enfin à ce service, critiqué par nombre de nos compatriotes, le personnel nécessaire ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur Richard Yung, vous avez appelé l'attention de la garde des sceaux sur les conditions de fonctionnement du service de nationalité du tribunal d'instance de Paris dont le nombre d'affaires à traiter toujours plus important conduit cette juridiction à rencontrer, dans son activité quotidienne, des difficultés dues au manque d'effectifs.
Dans le cadre de la localisation des emplois au titre de l'année 2014, et afin de prendre en compte l'augmentation de la charge de travail, les effectifs de la juridiction ont été renforcés par la création d'un poste de greffier supplémentaire
À la date du 16 octobre 2014, l'effectif du service de nationalité du tribunal d'instance de Paris est donc désormais de trente-sept fonctionnaires localisés, dont treize greffiers en chef, neuf greffiers et quinze adjoints administratifs. Ce service comptabilise vingt-sept fonctionnaires, dont onze greffiers en chef, huit greffiers et huit adjoints administratifs ; dix postes sont vacants.
L'un des deux postes vacants de greffier en chef a été offert à un greffier inscrit sur la liste d'aptitude pour l'accès à ce corps. Ce greffier en chef sera nommé à compter du 1er décembre 2014.
Les autres postes vacants, à savoir un poste de greffier en chef, un poste de greffier et sept postes d'adjoints administratifs, sont tous proposés lors des commissions administratives paritaires compétentes de fin d'année.
Les prises de fonctions des fonctionnaires ayant obtenu leur mutation dans le cadre des mouvements de mobilité précités interviendront en mars 2015.
Le service de nationalité du tribunal d'instance de Paris compte également, en plus des vingt-sept fonctionnaires précités, six vacataires dans le cadre de l'enveloppe accordée aux chefs de la cour d'appel de Paris.
Il est à noter que les emplois d'adjoints administratifs peuvent, si nécessaire, être transformés en postes de greffiers à la demande de la juridiction. De plus, les emplois de greffiers rédacteurs en matière de nationalité pourraient être rendus plus attractifs dans le cadre de la réforme statutaire précitée.
Voilà, monsieur le sénateur, la réponse que par ma voix Mme la garde des sceaux entend apporter à votre question précise – comme d'habitude – et pertinente.
À ce stade, je ne peux apporter d'autres informations que celles qui m'ont été transmises par Mme la garde des sceaux, qui s'excuse de ne pouvoir être présente parmi vous ce matin.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je comprends bien la situation de M. le secrétaire d'État, mais nous ne sommes pas dans les bons ordres de grandeur : la moitié des effectifs nécessaires manque et l'on propose de créer deux postes de greffier, alors qu'il en faudrait au moins une dizaine. Cette politique ne suffira pas à traiter le stock et le flux des demandes de nationalité.
Parfois, j'en viens à me demander si cela n'est pas volontaire afin de décourager les gens de demander un certificat de nationalité française… Mais je n'ose émettre une telle idée… Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un problème dont nous n'avons pas fini de parler.