Suite aux nombreux problèmes au sein de l’Office européen des brevets (voir par exemple Crise ouverte à l’Office européen des brevets) j’ai déposé la question orale suivante que je poserai en séance au Sénat le 21 février.
Question n° 1578S adressée à M. le ministre de l’économie et des finances (publiée le 01/12/2016)
M. Richard Yung attire l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur la dégradation du climat social au sein de l’Office européen des brevets (OEB).
Depuis 2010, le programme de réformes mis en œuvre par la direction de l’OEB a entraîné un recul de certains droits fondamentaux (limitation du droit de grève ; remise en cause de la liberté syndicale ; atteinte au droit à la négociation collective ; etc.). Il semble que l’OEB soit l’organisation qui est le plus souvent mise en cause devant le tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail (TAOIT). Dans un arrêt du 17 février 2015, la Cour d’appel de La Haye a jugé illégales plusieurs mesures prises par la direction de l’OEB. Cette dernière s’est pourvue en cassation, invoquant l’immunité d’exécution.
Depuis le début de l’année 2016, plusieurs sanctions ont été prononcées à l’encontre de délégués syndicaux (trois licenciements et une rétrogradation). De plus, des enquêtes et des procédures disciplinaires sont actuellement en cours. Par ailleurs, le malaise social est amplifié par le fait que quatre salariés de l’OEB ont mis fin à leurs jours au cours des cinq dernières années. Dans une résolution adoptée le 16 mars 2016, le conseil d’administration de l’OEB demande notamment au président de l’OEB de « veiller à ce que les sanctions et procédures disciplinaires soient non seulement équitables, mais aussi considérées comme telles, et d’étudier la possibilité de faire appel à une instance externe de réexamen, d’arbitrage ou de médiation ». Il semble que cette résolution n’ait pas réellement été prise en considération par la direction de l’OEB, qui s’est contentée d’organiser une conférence sociale.
Considérant que le bon fonctionnement de l’OEB est une condition indispensable au succès de la mise en œuvre du futur brevet à effet unitaire, il lui demande quelles solutions le Gouvernement envisage de proposer, par le truchement de la délégation française au conseil d’administration de l’OEB, afin de favoriser la reprise du dialogue social, l’émergence d’un nouveau mode de gouvernance ainsi que le réexamen des sanctions.
Le 30 novembre dernier, Philip CORDERY, député de la 4ème circonscription des Français établis hors de France (Benelux), a posé une question d'actualité au Gouvernement relative à la dégradation du climat social au sein de l'OEB.
Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de son intervention et de la réponse du secrétaire d'État chargé de l'industrie.
M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
M. Philip Cordery. Ma question s’adresse à Christophe Sirugue, secrétaire d’État chargé de l’industrie, et concerne les brevets européens.
L’Office européen des brevets s’enfonce chaque jour un peu plus dans la crise. La pression au travail, le mépris des principes élémentaires du droit du travail et la gestion managériale autoritaire ont créé une situation sociale inédite dans une organisation internationale. En cette année 2016, trois représentants syndicaux ou du personnel ont été licenciés, un autre a été rétrogradé, tandis que d’autres procédures disciplinaires sont en cours. Plus grave encore : ces dernières années, cinq salariés se sont suicidés, dont deux sur leur lieu de travail.
J’aurais préféré vous parler aujourd’hui du sérieux et de la qualité du travail des agents, tous dévoués dans leur mission au service de l’industrie et de l’innovation européennes, ou du rôle essentiel de l’Office européen des brevets dans le domaine de la propriété intellectuelle.
Hélas, nous ne pouvons que déplorer, depuis plusieurs années, les agissements d’une direction aux méthodes dignes d’une autre époque, qui ignore à la fois les décisions de justice et celles de son propre conseil d’administration. Va-t-elle également ignorer la décision du tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail – OIT – rendue ce matin, dénonçant entre autres l’organisation interne de l’Office ? L’immunité de juridiction dont jouit cette organisation internationale ne peut être synonyme d’impunité!
Alors, n’ayons pas peur de le dire : aujourd’hui, la présence du Français Benoît Battistelli à la tête de l’Office nuit gravement à l’image de notre pays. Ses agissements risquent d’avoir des conséquences désastreuses sur la qualité des brevets européens. Jamais l’environnement concurrentiel qui existe autour des brevets ne pourra excuser les dérives de l’équipe dirigeante. Jamais !
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quels sont les moyens d’action de la France et de ses partenaires européens pour mettre un terme à ces pratiques, réintégrer les salariés licenciés abusivement et faire en sorte que l’Office européen des brevets soit à nouveau au service de l’industrie européenne et de la croissance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie.
M. Christophe Sirugue, secrétaire d’État chargé de l’industrie. Monsieur le député, je veux d’abord me joindre à vous pour saluer l’engagement des agents de l’Office européen des brevets au service de la protection de la propriété intellectuelle dans l’ensemble des États membres de cette organisation internationale.
Comme vous, je regarde avec beaucoup d’inquiétude le climat social qui règne au sein de l’Office et qui s’est fortement dégradé au cours des deux dernières années. En effet, plusieurs éléments extrêmement préoccupants nous alertent.
Concernant les cas de suicides, des procédures sont en cours: je ne les commenterai donc pas. Il n’en demeure pas moins que nous avons l’obligation de constater qu’à plusieurs reprises, les agissements de la direction de l’Office européen des brevets ont fait l’objet de condamnations par les instances judiciaires des Pays-Bas, par les instances de l’OIT et par le conseil d’administration de l’Office, dans lequel la France joue un rôle extrêmement important. Du reste, une décision récente du tribunal administratif de l’OIT a confirmé le caractère extrêmement négatif des décisions prises par cette direction.
Plusieurs actions ont été menées. Au conseil d’administration d’octobre 2015, un audit externe sur la situation sociale a été demandé, notamment par la France. Lors du conseil d’administration de mars dernier, nous avons également fait adopter une résolution qui désapprouve les méthodes utilisées envers les représentants syndicaux. Cette même résolution prévoit une suspension des procédures disciplinaires.
Malheureusement, M. Battistelli a fait le choix de ne pas respecter l’orientation adoptée par son conseil d’administration. J’ai échangé avec lui par téléphone, et je lui ai dit mon mécontentement par rapport à cette situation.
Nous continuons bien évidemment à faire pression, avec d’autres, pour que soient entendues les causes que je crois justes des salariés que vous avez évoqués. Je dois reconnaître que nous manquons d’alliés dans ce dossier, mais soyez sûrs de notre détermination à faire respecter les droits des salariés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)