Le 13 février, j’ai attiré l’attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées par certains ressortissants français pour exercer au Japon leurs droits parentaux après un divorce ou une séparation d’avec un ressortissant japonais.
En dépit de l’adhésion du Japon à la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, plusieurs dizaines d’enfants franco-japonais sont actuellement privés de tout contact avec leur parent français et de liens avec la France. Force est malheureusement de constater que le Japon ne satisfait pas pleinement aux obligations qui lui sont imposées par la convention de La Haye.
Lorsqu’elles sont saisies d’une demande visant au retour de l’enfant, les autorités japonaises statuent dans des délais souvent trop longs (dix-huit mois en moyenne) alors que le bureau permanent de la conférence de La Haye de droit international privé considère que les demandes de retour doivent être « traitées rapidement et avec diligence ».
De plus, il apparaît que les autorités japonaises donnent une interprétation extensive aux exceptions au retour immédiat de l’enfant dans l’État dans lequel il avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour.
Un autre motif d’inquiétude réside dans le défaut d’exécution de nombreuses ordonnances de retour. À cet égard, il est à noter que le département d’État américain a récemment exprimé sa préoccupation quant à « la capacité du Japon à exécuter rapidement et systématiquement les ordonnances de retour » (rapport 2017 sur les enlèvements internationaux d’enfants).
Par ailleurs, il est regrettable de constater que l’exercice effectif d’un droit de visite continue de dépendre du bon vouloir du parent japonais.
Soucieux du respect de l’intérêt supérieur des enfants issus de couples franco-japonais, j’ai demandé au Gouvernement si la France, en lien avec d’autres États, ne pourrait pas entreprendre de nouvelles démarches auprès du Japon – dans le respect de sa souveraineté – afin de résoudre les difficultés de mise en œuvre de la convention et de rendre effectif le retour des enfants déplacés ou retenus illicitement. J’ai également demandé au Gouvernement quelles sont les actions engagées par les autorités françaises en vue de la résolution des cas ne rentrant pas dans le champ de la convention (enlèvements internationaux survenus avant le 1er avril 2014 ; enfants ayant fait l’objet d’un déplacement illicite sur le territoire japonais ; etc.).
Vous trouverez, ci-dessous, la vidéo et le compte rendu de mon intervention et de la réponse de la ministre chargée des affaires européennes, Nathalie Loiseau.
Le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 192, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Richard Yung. Madame la ministre, je m’adresse à nouveau à vous sur un sujet que nous avons déjà traité : la situation des enfants franco-japonais en cas de séparation de leurs parents, par hypothèse douloureuse.
Il y a huit ans, nous avions mené une campagne assez active et fait voter par le Sénat une résolution invitant le gouvernement japonais à ratifier la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur la défense des droits des enfants. Cela a été fait : le gouvernement japonais a ratifié cette convention, qui est entrée en vigueur dans ce pays en 2014. Nous nous en réjouissons, mais la réalité est que son application par le gouvernement japonais laisse beaucoup à désirer : nous avons connaissance de plusieurs dizaines de cas d’enfants franco-japonais qui n’ont plus de relations avec leur parent français, quel qu’il soit, ou avec la France.
Le gouvernement japonais, d’une certaine façon, ne joue pas le jeu. Il applique des délais extrêmement longs à toutes les demandes de retour qui lui sont adressées, alors même que la Convention précise que les délais doivent être les plus courts possible. Par ailleurs, des obstacles sont mis à l’exercice du droit de visite : quand le parent japonais le refuse, il reçoit, curieusement, le soutien de la police et des autorités judiciaires locales.
De fait, après tous nos efforts, force est de constater que nous avançons lentement. J’estime donc nécessaire de reprendre, en quelque sorte, notre bâton de pèlerin et, sans doute, de nous rapprocher d’autres pays, comme les États-Unis ou le Canada, qui ont eux-mêmes des enfants dans des situations similaires, de façon à faire pression sur le gouvernement japonais pour une application satisfaisante de la convention de La Haye.
Le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Richard Yung, depuis l’entrée en vigueur au Japon de la convention de La Haye, le 1er avril 2014, l’autorité centrale française, c’est-à-dire le ministère de la justice, avec l’appui du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, a saisi l’autorité centrale japonaise de onze dossiers.
Sur les sept dossiers ouverts de déplacements illicites d’enfants, la coopération entre nos deux pays a permis le retour des enfants en France dans deux cas. Quatre dossiers ont été clôturés à l’initiative du parent requérant ou de l’autorité centrale japonaise. Jusqu’à présent, un refus de retour a été prononcé par un juge japonais en raison du souhait de l’enfant, en âge d’être entendu, de rester au Japon. C’est le seul cas dans lequel l’article 13 de la convention a été invoqué par un juge japonais.
Jusqu’à présent, les décisions de retour ont été exécutées de manière volontaire par le parent ravisseur. Les autorités françaises restent donc vigilantes sur ce point, car, dans la pratique, les autorités japonaises ne semblent pas avoir recours à la force en cas de refus d’exécution.
À ce jour, un dossier de déplacement illicite d’enfants et un dossier relatif à des droits de visite et d’hébergement restent en cours de traitement.
Pour les cas ne relevant pas de la convention de La Haye, c’est la protection consulaire, telle que prévue par la convention de Vienne, qui s’applique. Les parents qui sollicitent notre aide dans ce cadre sont accompagnés dans leurs démarches, dans le respect de la souveraineté japonaise et de la séparation des pouvoirs. Une liste d’avocats spécialisés en droit de la famille peut leur être communiquée et une tentative de prise de contact avec l’autre parent peut être entreprise.
D’une façon générale, les affaires de conflits familiaux font l’objet d’échanges réguliers avec nos partenaires lors des réunions consulaires locales. Une nouvelle réflexion sera menée afin de recenser les problématiques spécifiques au Japon et d’explorer la possibilité de mener une démarche commune auprès des autorités japonaises.
Le président. La parole est à M. Richard Yung.
Richard Yung. Je vous remercie, madame la ministre ; je pense en effet que le regroupement est la bonne direction à prendre. Ainsi, nous ferons pression sur le gouvernement japonais. En effet, toute publicité faite autour de tels problèmes est très désagréable dans la culture japonaise.
De fait, il s’agit d’un problème culturel profond : au Japon, l’enfant est à la garde de la mère, un point c’est tout ! Les juges et les policiers considèrent qu’ils n’ont pas à modifier cette tradition millénaire. Nous nous heurtons à ce problème, notamment en cela que, comme vous l’avez rappelé, le gouvernement japonais ne recourt jamais à la force publique pour faire exécuter un jugement rendu dans de telles affaires.
J’estime donc que nous devons réunir sur place les pays qui sont concernés, ce qui se fait d’ailleurs déjà, de manière à faire pression à nouveau sur le gouvernement japonais.