Le 13 décembre, je me suis entretenu avec Mme Nathalie ANCEL, sous-directrice de la protection des droits des personnes au ministère des affaires étrangères, du douloureux problème des enfants binationaux privés des liens avec leur parent français. Plusieurs pays sont concernés.
1. Liban
Lors d'un récent déplacement au Liban, mon attention avait été attirée sur la situation des enfants franco-libanais dont les parents se séparent. La direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) du ministère des affaires étrangères a recensé une vingtaine de dossiers problématiques. Les cas de figure sont multiples.
Mme ANCEL m’a indiqué que la commission mixte consultative franco-libanaise a récemment été réactivée à l’occasion d’une réunion qui s’est tenue le 29 septembre dernier à Paris et au cours de laquelle les deux parties ont procédé à un échange de vues global avant d’évoquer les dossiers individuels. Des pistes pour améliorer l’aide à la médiation ont également été étudiées.
Créée par un accord bilatéral du 12 juillet 1999 concernant la coopération en certaines matières familiales, cette instance de concertation, de coordination et de consultation ne s’était réunie qu’une seule fois… en 2001.
Composée de représentants des ministères de la justice, de l’intérieur et des affaires étrangères de chacune des deux parties, elle est chargée :
- d’aider à la conciliation des parties, en vue de faciliter le retour des enfants déplacés illicitement ou l’exercice du droit de visite du parent qui n’en a pas la garde ;
- d’assurer l’information des parents sur la localisation, la situation matérielle et morale des enfants et sur l’état des procédures en cours ;
- de faciliter la circulation des enfants et des parents entre les deux territoires en vue d’assurer l’exercice effectif du droit pour chaque enfant d’entretenir avec ses parents des relations directes et personnelles ;
- de faciliter l’obtention de visas ou de permis de sortie ;
- de veiller à promouvoir une coopération étroite entre les autorités compétentes des deux parties.
Une prochaine réunion de cette commission se tiendra à Beyrouth au mois de février. Le ministère des affaires étrangères français entend maintenir un dialogue permanent avec les autorités libanaises.
Mme ANCEL m’a également précisé que le Liban n’est pas partie à la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. De toute façon, le déclenchement du mécanisme prévu par cette convention ne permettrait pas de régler toutes les difficultés dans la mesure où le système judiciaire libanais est de nature confessionnelle. Au Liban, ce sont en effet les tribunaux religieux (musulmans, druzes, maronites, grecs orthodoxes, syriaques orthodoxes, protestants) qui ont autorité en matière de mariage et de divorce. Les Français privés de tout contact avec leur(s) enfant(s) sont ainsi confrontés à un véritable casse-tête juridique.
2. Japon
Mme ANCEL m’a fait savoir que trois cas d’enlèvements d’enfants franco-japonais ont été résolus depuis la triple catastrophe qui a frappé l’archipel nippon en mars 2011.
La cinquième réunion du comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental s’est tenue le 9 décembre dernier à Paris. D’après Mme ANCEL, les résultats de cette rencontre sont maigres. Cependant, le degré d’investissement des autorités nippones est plus élevé.
Lors de cette réunion, les fonctionnaires français et japonais ont notamment fait le point sur l’état d’avancement du processus d’adhésion à la convention de La Haye. Le 20 mai dernier, le Japon avait en effet annoncé son intention d’adhérer à cette convention. Dans cette perspective, le gouvernement nippon a lancé un processus de modification du droit interne japonais (instauration d’un droit de visite, etc.). Des groupes de travail compétents ont été mis en place au sein des ministères japonais de la justice et des affaires étrangères.
Il semblerait que le processus d’adhésion continue d’achopper sur la définition de la notion d’exception au retour immédiat de l’enfant dans l’État dans lequel il avait sa résidence habituelle avant son déplacement illicite. Les autorités japonaises envisagent de définir sept cas de non-retour alors que l’article 13 la convention de La Haye n’en prévoit que trois. Tokyo affirme que ces cas ne seraient qu’illustratifs. Il n’en reste pas moins que cette interprétation extensive – qui est le résultat du travail de lobbying des associations féministes, qui craignent que des enfants puissent être remis à un parent violent – pourrait vider la convention de son sens.
D’après Mme ANCEL, la conférence de La Haye de droit international privé (CODIP), qui a pour but de « travailler à l'unification progressive des règles de droit international privé », devra se prononcer sur ce point afin de déterminer si le Japon peut adhérer à la convention.
3. Allemagne
Au mois de novembre dernier, des représentants des ministères des affaires étrangères et de la justice français se sont rendus à Berlin afin de faire le point sur la coopération en matière familiale avec l’Allemagne.
A l’instar de la France, l’Allemagne est partie à la convention de La Haye et applique le règlement européen dit « Bruxelles II bis » relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale. Pour autant, il existe de nombreuses situations conflictuelles liées au fait que l’Office allemand de la jeunesse (Jugendamt) accorde quasi systématiquement la garde des enfants franco-allemands au parent allemand.
Afin de régler ces litiges, le Quai d’Orsay conseille aux parents concernés de dialoguer avec les travailleurs sociaux du Jugendamt, dont l’avis est pris en considération par les juges. Il leur appartient également d’utiliser les voies de recours juridictionnelles devant les tribunaux allemands.
Les postes consulaires peuvent leur apporter une aide. Mme ANCEL m’a également signalé l’existence du Conseil européen des enfants du divorce (CEED), qui accompagne les parents dans leurs démarches.
4. Russie
Le ministère des affaires étrangères a dénombré une quinzaine de dossiers d’enfants franco-russes au centre d’un conflit parental.
Bien que la Fédération de Russie ait adhéré à la convention de La Haye le 31 mai dernier, elle n’a pas encore désigné l’autorité centrale qui sera chargée de satisfaire aux obligations prévues par la convention. Dans cette attente, la France souhaite la mise en place d’une structure de coopération sur la protection des droits de l’enfant dans le cadre des conflits familiaux.