La proposition de loi visant à réformer la gouvernance de la Caisse des Français de l'étranger (CFE) a été débattue en séance publique le 18 juin.
Jean-Yves Leconte, Hélène Conway-Mouret, Claudine Lepage et moi-même avions déposé ce texte le 18 décembre dernier. Notre objectif était de moderniser la gouvernance de la CFE afin de permettre à cette dernière de faire face aux enjeux auxquels elle est confrontée (évolution de la structure de la population française établie hors de France ; concurrence des systèmes de sécurité sociale étrangers ; etc.).
Concrètement, nous proposions :
- de modifier la composition du conseil d’administration de la caisse afin de simplifier les catégories de représentants des assurés (article 1er) ;
- d’introduire une nouvelle catégorie d’administrateur désigné représentant le réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger, en remplacement d’un des deux représentants des employeurs (article 1er) ;
- de préciser que le président du conseil d’administration est un assuré actif, élu au sein du conseil parmi les représentants des assurés (article 1er) ;
- d’élargir la base électorale des représentants des assurés à l’ensemble des conseillers consulaires et non plus aux seuls membres de l’Assemblée des Français de l’étranger (article 2) ;
- d’instaurer une limite d’âge pour l’ensemble des administrateurs de la caisse (article 2) ;
- d’introduire la parité dans la constitution des listes de candidature à l’élection des représentants des assurés (article 3) ;
- fixer les garanties légales à respecter en cas de recours au vote électronique (article 3).
Arguant du fait que l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’inspection générale des finances (IGF) ont été missionnées par le Gouvernement pour étudier le rôle, la nature et le périmètre des missions de la caisse, ainsi que ses conditions d’intervention, la majorité conservatrice du Sénat a supprimé, par voie d’amendements, les trois articles de notre proposition de loi.
Tout au long du débat, les sénateurs de l’UDI et de l’ex-UMP sont restés sourds à nos arguments, préférant le statu quo. Ils ont notamment refusé de reconnaître que le rapport que l’IGAS et l’IGF remettront très prochainement au Gouvernement ne portera absolument pas sur la gouvernance de la caisse.
À défaut de réforme, les 443 conseillers consulaires ne pourront pas participer au prochain renouvellement du conseil d’administration de la CFE, qui, en l’absence d’une nouvelle prorogation du mandat des administrateurs, devrait avoir lieu à la fin de cette année.
En refusant d'accompagner la CFE sur la voie du changement, la droite sénatoriale a adressé un très mauvais signe aux élus locaux des Français établis hors de France.
Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention.
Pour en savoir plus, cliquez ici.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la CFE a été créée en 1985, par le gouvernement Fabius, avec Pierre Bérégovoy comme responsable des finances. Cette caisse a montré une très grande utilité pour les Français expatriés. Notre devoir est bien sûr de continuer à renforcer la CFE.
En dépit d’une tarification segmentée, par publics, et malgré la troisième catégorie aidée, instaurée par Lionel Jospin – qui a d’ailleurs glissé discrètement d’un financement de l’État vers un financement par la Caisse elle-même, ce qui donne lieu à quelques débats lors de l’examen du projet de loi de finances –, le service de la CFE n’est toujours pas accessible à nos expatriés. En effet, le nombre d’adhérents correspond à 11 % du nombre des Français recensés par les consulats et à environ 7 % du nombre total d’expatriés. Ce constat s’explique aussi par la concurrence des systèmes de sécurité sociale étrangers, en particulier au sein de l’Union européenne.
Du fait de l’évolution du profil des assurés, nous avons moins de jeunes, qui s’assurent autrement ou ne s’assurent pas, et plus d’assurés retraités. Ce déséquilibre fait peser un risque sur l’équilibre financier de la Caisse, qui est aujourd’hui assuré grâce aux adhésions des salariés et des entreprises. Nous devons donc faire évoluer ce système.
J’ajoute que nous avons de plus en plus de créateurs d’entreprise parmi les Français à l’étranger, deux sur dix, selon une étude de la Chambre de commerce internationale, la CCI. Nous nous en réjouissons. Pour ma part, je considère que c’est un grand progrès. C’est l’idée d’avoir quelqu’un de la CCI. Si cela pose des difficultés, si d’autres préfèrent le MEDEF, après tout, il existe une branche du MEDEF internationale, nous sommes prêts à débattre d’amendements en ce sens ; ce n’est pas une table de la loi !
Outre ces enjeux stratégiques, la CFE est régie par des règles de fonctionnement qui doivent être revues. C’est le constat de la Cour des comptes en 2010. Les magistrats de la Cour avaient recommandé une clarification du statut et des missions de la Caisse pour rendre son activité conforme au droit interne et aux principes communautaires. Le lien avec le droit communautaire est un autre volet que nous n’abordons pas.
La CFE doit donc impérativement s’engager dans la voie de la réforme. Je constate avec satisfaction qu’une première étape a été franchie avec la certification des comptes depuis 2010 et l’amélioration de la tutelle de l’État sur la Caisse grâce à la signature d’une convention de partenariat liant la CFE et l’État pour la période 2014–2016.
D’autres évolutions sont nécessaires. Je les rappelle brièvement, elles ont été évoquées à plusieurs reprises : la réforme des modalités de remboursement des soins à l’étranger, la création d’une nouvelle catégorie d’adhérents pour les retraités n’ayant jamais cotisé à la CFE, l’attribution de la qualité d’ayant droit, etc. Toutes ces mesures ont été recensées et figurent dans le mandat qui a été confié à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale des finances. Nous verrons donc au mois de juillet ce qu’il en est.
C’est donc un vaste chantier qui attend la CFE. Mes collègues du groupe socialiste et républicain…
M. Robert del Picchia. Ah !
M. Richard Yung. Oui, c’est le nom de notre groupe, désormais, parce que nous sommes républicains !
M. Ladislas Poniatowski. Vous êtes les bienvenus ! (M. Jean Desessard rit.)
M. Richard Yung. Avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, disais-je, nous considérons que la réalisation de ce chantier doit être précédée de la réforme de la gouvernance – nous avons clairement un fort désaccord sur ce point.
C’est l’objectif que nous nous fixons par la présente proposition de loi. Je ne reviendrai pas sur la présentation de ses dispositions. Je rappelle simplement que la modification de la composition du conseil d’administration vise essentiellement à tenir compte de l’évolution de la population française à l’étranger. En proposant de substituer un représentant de CCI France International à un représentant du MEDEF, nous souhaitons tirer les conséquences de cette évolution.
L’élargissement du collège électoral des administrateurs représentant les assurés tend, quant à lui, à répondre à un impératif démocratique. Il serait pour le moins paradoxal de réduire ce collège de 155 à 90, alors même que nous avons récemment élargi celui qui est chargé d’élire les sénateurs représentant les Français établis hors de France. En proposant de faire participer au scrutin les 443 conseillers consulaires…
M. Robert del Picchia. Les 533 !
M. Richard Yung. Nous ne sommes pas figés sur les 443 : si vous voulez intégrer les délégués, qui sont environ 70,…
M. Robert del Picchia. Ils sont 64 !
M. Richard Yung. … qui sont 64, les sénateurs – des personnes de très grande qualité –…
MM. Robert del Picchia et Jean-Pierre Cantegrit. Les députés aussi !
M. Richard Yung. … et les députés – de la même qualité ou presque (M. Robert del Picchia sourit.) –, nous pouvons en discuter et adopter des amendements en ce sens. C’est cela le débat législatif !
En faisant participer au scrutin les conseillers consulaires élus en mai 2014, nous souhaitons renforcer la légitimité démocratique du conseil d’administration. Cette question n’a pas de lien direct avec celle de la politique financière des cotisations, des adhésions ; ce sont deux thématiques différentes.
Je ne comprends pas, je vous le dis honnêtement, votre blocage sur cette question. Il faut lier les deux questions, avez-vous dit. Il n’y a pas de raison de les lier. Je vous rappelle que cela fait un an que ça dure ! Si nous n’avons pas tranché au mois d’octobre, nous devrons expliquer que ce sont les 90 membres de l’AFE qui constituent le corps électoral. Ce ne sera pas un message très positif envoyé à nos représentants des Français à l’étranger ; ce sera mal perçu.
Nous devons aller de l’avant : il ne faut pas procrastiner ; il ne faut pas être bloqué ; il ne faut pas être conservateur ; il ne faut pas être réactionnaire…
M. Jean Desessard. Oh là là, non !
MM. Robert del Picchia et Henri de Raincourt. Non !
M. Richard Yung. Il faut aller dans le sens de l’histoire ! Pour ces raisons, nous voterons contre les amendements de suppression qui ont été déposés sur cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)