Le 1er juin, la commission des affaires sociales du Sénat a examiné le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.
Sans surprise, les sénateurs de la majorité LR-UDI ont réécrit de fond en comble le texte voté par l’Assemblée nationale (retour aux 39 heures; travail des apprentis à 14 ans jusqu’à 10 heures par jour; refus de lutter contre la précarité des travailleurs saisonniers ; précarisation de l’emploi par abaissement de la durée minimale de 24 heures par semaine du temps partiel ; suppression du compte d’engagement citoyen; amputation du compte personnel de prévention de la pénibilité ; suppression des 20 heures supplémentaires de délégation pour les syndicats; refus de la règle majoritaire des 50% pour les accords d’entreprise; etc.).
Résultat : le texte qui sera discuté en séance publique à compter du 13 juin porte profondément atteinte aux droits des salariés et remet en cause le dialogue social.
Vous trouverez, ci-dessous, une présentation des dispositions intéressant les Français établis hors de France qui figurent dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Article 3 – Congé de solidarité internationale
Déjà prévu par le code du travail, le congé de solidarité internationale permet à un salarié ayant au moins douze mois d’ancienneté dans son entreprise d’effectuer à l’étranger une mission humanitaire d’une durée maximale de six mois. En cas d’urgence, il peut bénéficier d’un congé de six semaines sous préavis de quarante-huit heures.
Afin de donner aux entreprises « plus de souplesse d’organisation », l’article 3 opère une distinction entre, d’une part, les dispositions relevant de l’ordre public (non négociables) et, d’autre part, les dispositions pouvant faire l’objet de négociations. Il prévoit également des dispositions applicables en l’absence d’accord.
1) Dispositions relevant de l’ordre public
- La durée du congé ne peut être imputée sur la durée du congé payé annuel et est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des avantages légaux et conventionnels liés à l’ancienneté.
- Le bénéfice du congé peut être refusé par l’employeur, après avis du comité d’entreprise ou à défaut, des délégués du personnel, s’il estime que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise.
- Le refus du congé doit être motivé. En cas de différend, il peut être directement contesté devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes. À défaut de réponse de l’employeur, son accord est réputé acquis. En cas d’urgence, l’employeur n’est pas tenu de motiver son refus et son silence ne vaut pas accord.
- À l’issue du congé, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. Par ailleurs, il remet à l’employeur une attestation constatant l’accomplissement de la mission, délivrée par l’association ou l’organisation concernée.
2) Dispositions pouvant faire l’objet de négociations
Un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche, fixe notamment :
- la durée maximale du congé, qui pourra être supérieure ou inférieure à six mois ;
- l’ancienneté requise pour bénéficier du congé ;
- le nombre maximum de salariés susceptibles de bénéficier simultanément d’un tel congé en fonction de la taille de l’établissement ;
- les délais dans lesquels le salarié adresse sa demande à l’employeur ;
- les mesures permettant de maintenir un lien entre l’entreprise et le salarié pendant le congé et, le cas échéant, les modalités d’accompagnement dont il pourra bénéficier à son retour.
3) Dispositions supplétives
En l’absence d’accord, la durée maximale du congé sera de six mois (six semaines en cas d’urgence). L’ancienneté requise du salarié dans l’entreprise sera, quant à elle, de douze mois. Enfin, un décret fixera les règles de détermination du nombre maximum de salariés pouvant bénéficier simultanément du congé ainsi que les délais dans lesquels le salarié doit adresser sa demande de congé à l’employeur.
Article 21 – Mise en place du compte personnel d’activité (CPA)
L’article 21 a pour objet de définir les modalités de mise en œuvre du compte personnel d’activité (CPA), dont la création a été inscrite dans la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.
Le CPA s’apparente à un « coffre-fort des droits ». Il vise à faciliter les transitions entre métiers et entre statuts, garantir la préservation des droits acquis tout au long d’une carrière et réduire les inégalités en facilitant l’accès aux droits.
Ses contours sont le fruit d’une concertation avec les organisations syndicales et patronales (position commune signée le 8 février dernier par la CFDT, FO, la CFTC et la CFE-CGC) et d’une réflexion animée par France Stratégie.
Le titulaire d’un CPA pourra bénéficier d’un « accompagnement global et personnalisé destiné à l’aider à exercer ses droits pour la mise en œuvre de son projet professionnel ». Cet accompagnement sera notamment assuré dans le cadre du conseil en évolution professionnelle (CEP). Créé en 2014, le CEP est un dispositif d’accompagnement gratuit et personnalisé proposé à toute personne souhaitant faire le point sur sa situation professionnelle et, s’il y a lieu, établir un projet d’évolution professionnelle (reconversion, reprise ou création d’activité, etc.). Il est assuré par des conseillers de certains organismes (Pôle emploi, Apec, missions locales, etc.).
À compter du 1er janvier 2017, le CPA sera ouvert pour toute personne âgée d’au moins 16 ans :
- occupant un emploi ;
- à la recherche d’un emploi ou accompagnée dans un projet d’orientation et d’insertion professionnelles ;
- accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail (ESAT) ;
- ayant fait valoir ses droits à la retraite.
À l’initiative de Philip CORDERY et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, l’Assemblée nationale a étendu le CPA aux titulaires d’un contrat de travail de droit français qui exercent leur activité à l’étranger (frontaliers, détachés, expatriés, etc.).
Le CPA sera fermé à la date du décès de son titulaire, et non au moment de la retraite. Les inactifs souhaitant reprendre une activité pourront ainsi mobiliser les droits accumulés sur leur CPA.
Les droits inscrits sur le CPA demeureront acquis par leur titulaire jusqu’à leur utilisation ou la fermeture du compte. De plus, le compte ne pourra être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire.
À l’initiative de Philip CORDERY et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, l’Assemblée nationale a précisé que le titulaire d’un CPA conservera ses droits en cas de départ à l’étranger.
Le CPA rassemblera trois comptes distincts, qui répondent chacun à des modalités d’utilisation particulières. D’autres dispositifs pourront y être intégrés à l’avenir. Dans cette perspective, l’article 21 bis du projet de loi prévoit qu’une concertation avec les organisations patronales et syndicales sera engagée avant le 1er octobre prochain.
1) Créé par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, le compte personnel de formation (CPF) doit permettre à son titulaire d’acquérir au moins un niveau de qualification durant sa carrière. Il est alimenté à hauteur de 24 heures par an jusqu’à l’acquisition de 120 heures, puis de 12 heures par an, dans la limite d’un plafond total de 150 heures. Actuellement limité aux salariés et aux demandeurs d’emploi, il sera étendu aux non-salariés à compter de 2018. Par ailleurs, l’article 21 élargit les actions de formation auxquelles les titulaires d’un CPA pourront accéder. Outre les formations aujourd’hui éligibles au CPF, ils pourront bénéficier d’un bilan de compétence, d’un accompagnement à la validation des acquis de l’expérience (VAE) ou d’un accompagnement à la création/reprise d’entreprise. L’article 21 prévoit également des abondements spécifiques pour les salariés sans qualification. Les jeunes sortis du système éducatif sans diplôme verront ainsi leur compte doté du nombre d’heures nécessaires au suivi d’une formation qualifiante. Quant aux salariés sans qualification, ils verront leur compte alimenté à hauteur de 40 heures par an, le plafond étant porté à 400 heures.
À l’initiative de Philip CORDERY et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, l’Assemblée nationale a :
- ouvert la possibilité d’utiliser les droits acquis au titre du CPF pour la prise en charge d’une formation dans un autre État membre de l’UE, dans le cadre d’une mobilité ou non ;
- autorisé la mobilisation du CPF par les personnes qui sont à la recherche d’un emploi dans un autre État membre de l’UE et qui ne sont pas inscrites auprès de Pôle emploi (possibilité soumise à la conclusion d’une convention entre Pôle emploi et l’organisme en charge du service public de l’emploi dans le pays d’accueil).
2) Créé par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) peut être utilisé pour financer une action de formation professionnelle (conversion de points en heures de formation sur le CPF), un complément de rémunération (réduction de la durée de travail) ou une majoration de durée d’assurance vieillesse.
3) Créé par l’article 21, le compte d’engagement citoyen (CEC) recensera les activités bénévoles et volontaires de son titulaire. Ce dernier demeurera libre d’y faire inscrire ou non les activités effectuées. Les droits accumulés sur ce compte pourront être convertis en heures de formation financées sur le CPF. Ils permettront aussi à leur titulaire d’acquérir des jours de congés destinés à l’exercice d’activités de bénévolat et de volontariat (l’accord de l’employeur sera alors requis).
Il importe de noter que le volontariat international en administration (VIA), le volontariat international en entreprise (VIE), le volontariat de solidarité internationale (VSI) et le service volontaire européen (SVE) figurent parmi les activités permettant d’acquérir des heures de formation.
Un décret définira, pour chacune des activités, la durée nécessaire à l’acquisition de 20 heures inscrites sur le CPF. L’alimentation du compte sera plafonnée à 60 heures. Les heures de formation seront financées par des institutions distinctes selon l’activité concernée (État, commune, etc.).
Afin de rendre facilement accessible et lisible l’ensemble des droits et dispositifs utiles à la sécurisation des parcours professionnels, l’article 21 prévoit la mise en place d’un système d’information du CPA, qui comprendra, d’une part, un service en ligne gratuit permettant à chaque titulaire de connaître et d’utiliser ses droits et, d’autre part, une plateforme de services en ligne (information sur les droits sociaux; simulateur des droits; services utiles à la sécurisation des parcours professionnels; consultation des bulletins de paie dématérialisés).