Le 30 juin, le Sénat a adopté, à l'unanimité, une proposition de loi portant création d'un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs.
Présenté par Ronan Le Gleut et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, ce texte vise à mettre en place un fonds d’urgence en faveur des Français établis hors de France « exposés à des menaces sanitaires graves » ou « victimes de catastrophes naturelles ou de guerres civiles ou étrangères, de révolutions ».
Ce fonds serait alimenté par le budget général de l'État après consultation de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE).
Les aides - financières ou matérielles - seraient accordées aux personnes inscrites au registre des Français établis hors de France. Soumises à des conditions de ressources, elles auraient pour objet de permettre à leurs bénéficiaires de « faire face à la menace à laquelle ils sont exposés ou à subvenir à leurs besoins essentiels ».
Les conseils consulaires se prononceraient, dans un délai de huit jours francs, préalablement à toute décision d’attribution des aides.
Les modalités de fonctionnement du fonds seraient fixées par un décret en Conseil d’État, après consultation, dans un délai de quinze jours, de l’AFE. Ce décret préciserait notamment les conditions dans lesquelles seraient accordées et calculées les aides.
Outre la création d'un fonds d'urgence, la proposition de loi prévoit la consultation des conseils consulaires avant toute décision relative au versement d’une subvention de l’État à un organisme local d’entraide et de solidarité (OLES) ou à un centre médico-social (CMS). L’avis du conseil consulaire porterait « sur le montant et l’usage de la subvention ».
Avant de pouvoir entrer en vigueur, le dispositif adopté par le Sénat devra d’abord franchir l’étape de l’Assemblée nationale.
Vous trouverez, ci-dessous, le texte de mon intervention dans la discussion générale (seul le prononcé fait foi).
Madame la présidente,
Monsieur le ministre,
Chers collègues,
Permettez-moi tout d’abord de remercier Ronan LE GLEUT et ses collègues LR d'avoir inscrit leur proposition de loi à l'ordre du jour de notre assemblée. Ce débat nous donne l'occasion de témoigner notre solidarité aux Français établis hors de France, qui sont nombreux à subir de plein fouet les conséquences économiques et sociales de la crise liée à la pandémie de COVID-19. Une pandémie qui, comme vous le savez, continue de sévir avec intensité dans de nombreux pays.
Au regard de l’ampleur de la crise qui secoue notre planète, les Français établis hors de France doivent bénéficier de la solidarité nationale, au même titre que leurs concitoyens de l’Hexagone et des outre-mer. Il y va notamment du rayonnement de notre pays.
À cet égard, je tiens une nouvelle fois à remercier le Gouvernement pour les mesures de soutien qu’il a prises, et dont le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 tire les conséquences budgétaires.
L’abondement de l’enveloppe des aides sociales consulaires (50 millions d’euros) et l’augmentation des crédits d’aide à la scolarité (50 millions d’euros) vont permettre de « répondre aux besoins accrus des plus démunis de nos compatriotes, qui ne disposent d’aucune aide de la part de leur État de résidence, des assureurs ou des structures locales ».
Le redéploiement de crédits en faveur des organismes locaux d’entraide et de solidarité (2,1 millions d’euros) permettra aussi d’aider les Français établis hors de France à faire face aux difficultés socio-économiques découlant de la crise sanitaire.
Deux mois, jour pour jour, après la présentation du dispositif de soutien aux Français de l’étranger, nos collègues de la majorité sénatoriale proposent que les mesures de soutien aujourd’hui financées par un collectif budgétaire ou un redéploiement de crédits soient, à l’avenir, mises en œuvre via la mobilisation d’un fonds d’urgence alimenté par le budget de l’État, qui, contrairement aux autres fonds de même nature, disposerait d’un fondement législatif.
L’idée de créer un fonds de soutien aux Français établis hors de France confrontés à une crise majeure est séduisante. Elle ne date cependant pas d’hier. En effet, au cours des années 2000, plusieurs tentatives ont été faites pour concrétiser cette idée, le plus souvent sous l’angle de l’indemnisation des dommages subis à l’étranger. L’objectif était alors de tirer les conséquences d’évènements tragiques tels que la crise ivoirienne de 2004, le tsunami de 2004 ou le conflit israélo-libanais de 2006. Les mécanismes d’indemnisation proposés reposaient soit sur le principe de solidarité nationale, soit sur celui de l’assurance.
Pendant la campagne pour l’élection présidentielle de 2007, j’ai le souvenir d’avoir entendu Nicolas SARKOZY promettre la création d’un « fonds d’assurance indemnisation des Français spoliés » lors de conflits ou de catastrophes naturelles survenus dans leur pays d’accueil. Cet engagement du candidat n’a pas été tenu par le président, dont le gouvernement s’est contenté de lancer une concertation avec les sociétés d’assurances afin – je cite – d’« examiner les moyens de développer des produits de marché adaptés à la couverture des Français situés à l’étranger ».
Devant l’absence de réaction du gouvernement de François FILLON, j’avais déposé une proposition de loi visant à améliorer le régime d’indemnisation des dommages subis à l’étranger. Le dispositif que j’avais conçu était mixte. J’avais en effet proposé de faire appel à la solidarité nationale pour l’indemnisation des dommages corporels, et de conjuguer la solidarité nationale et l’assurance pour l’indemnisation des dommages matériels.
Concrètement, ma proposition de loi avait pour objet de confier au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions la mission d’indemniser les dommages liés à des catastrophes naturelles ou des évènements exceptionnels, tels que des guerres, des mouvements insurrectionnels ou des expulsions motivées par la qualité de Français.
J’avais également pour objectif d’obliger les entreprises d’assurance françaises à proposer des contrats couvrant les dommages matériels subis à l’étranger.
En revanche, ma proposition de loi ne couvrait pas les menaces sanitaires graves. Elle ne prévoyait pas non plus la mobilisation de crédits d’urgence.
Or, la crise que nous traversons montre la nécessité de subvenir rapidement aux besoins de première nécessité des Français de l’étranger les plus en difficulté.
Aussi, je trouve judicieuse l’idée d’emprunter « la voie du secours » et de créer un vecteur pérenne de l’aide d’urgence.
Le mécanisme proposé par nos collègues relève du bon sens. Il permettrait de réduire les délais dans lesquels les crédits d’urgence sont mobilisés. Il viendrait en outre compléter le dispositif de gestion de crise du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, dont nous avons pu une nouvelle fois constater l’efficacité au cours des derniers mois.
Par ailleurs, le fait de subordonner l’accès au fonds à une inscription au registre des Français établis hors de France serait de nature à inciter nos concitoyens de l’étranger à s’enregistrer auprès de leur consulat, à commencer par ceux établis dans les pays des zones A et B, c’est-à-dire les pays où les conditions de vie sont particulièrement rigoureuses ou réputées difficiles.
Pour que le fonds d’urgence puisse être rapidement activé, il conviendrait de lui allouer une dotation en loi de finances. À cet égard, je souscris à la proposition du rapporteur de prévoir une dotation d’au moins 30 millions d’euros, soit 20 millions d’euros de plus que la dotation du fonds de secours pour l’outre-mer. Je souscris également à l’idée d’abonder le fonds via l’utilisation des crédits non répartis ou le dégel de la réserve de précaution du programme 151.
Tout en accueillant favorablement le texte soumis à notre délibération, je souhaite mettre l’accent sur la nécessité d’améliorer le dispositif d’indemnisation des dommages subis à l’étranger. Nous devons garder à l’esprit cet objectif. À cet égard, il serait intéressant de savoir si le groupe de travail sur le développement d’une couverture assurantielle des événements exceptionnels s’est penché sur la question de l'indemnisation des Français établis hors de France.
Enfin, permettez-moi d’appeler votre attention sur la nécessité de placer la réflexion dans le cadre européen. Selon moi, il serait utile d’étudier la possibilité d’élargir le champ d’application du Fonds de solidarité de l’Union européenne, qui a été créé pour faire face aux grandes catastrophes naturelles. En réponse à la pandémie de COVID-19, le champ d’application du FSUE a été étendu aux urgences majeures en matière de santé publique. À mon sens, il devrait également pouvoir être fait appel à la solidarité européenne lors d’évènements exceptionnels survenus en dehors de l’UE.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe LREM votera en faveur de la présente proposition de loi.