Le 15 mai dernier, j’ai interrogé le gouvernement sur les problèmes liés à l’indemnisation des dommages subis à l’étranger. Actuellement, la prise en charge de nombreux préjudices, essentiellement matériels, n’est assurée ni par les sociétés d’assurance ni par la solidarité nationale.
Après avoir rappelé la promesse faite par Nicolas SARKOZY lors de l’élection présidentielle, j’ai donné ma vision du mécanisme qui pourrait être adopté.
C’est Christine LAGARDE, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, qui m’a répondu. Elle m’a notamment indiqué que cette question était à l’étude dans les cabinets ministériels.
Les déclarations de bonnes intentions du gouvernement ne sont pas suffisantes. Il est urgent d’agir car l’actualité plus ou moins récente a vu la survenance de nombreux évènements dramatiques et catastrophiques tels que des guerres civiles, des émeutes, des mouvements populaires, des catastrophes naturelles, etc.
Résolus à agir, Monique CERISIER-ben GUIGA et moi-même avons décidé de déposer une proposition de loi. Nous bénéficions d’ores et déjà de l’appui de nombre de nos collègues du groupe socialiste.
Notre proposition vise à permettre l’indemnisation des dommages corporels et matériels causés par des évènements exceptionnels ou des catastrophes environnementales. Elle fait appel tant à la solidarité nationale qu’au système assurantiel.
Nous souhaitons que notre texte soit inscrit à l’ordre du jour d’une prochaine mensuelle réservée.
Séance du 15 mai 2008 (compte rendu intégral des débats)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, ma question porte sur la nécessité d’instituer, dans les cas de force majeure, un système d’indemnisation pour la perte de biens personnels et, surtout, professionnels, en faveur des Français établis hors de France.
Je rappelle qu’il s’agit d’un engagement du candidat Nicolas Sarkozy, devenu Président de la République. Dans une lettre aux Français de l’étranger, il souhaitait en effet la création d’un « fonds d’assurance et d’indemnisation des Français spoliés » lors de conflits ou de catastrophes naturelles survenus dans leur pays d’accueil.
Le Gouvernement annonce qu’il mène de front toutes les réformes, et nous nous en réjouissons : OGM, réforme constitutionnelle, déviation de Saint-Denis-sur-Sarthon (Sourires.) …
J’estime normal de revendiquer que l’on s’intéresse aussi aux 2,5 millions de Français de l’étranger et que l’on trouve une solution à un problème bien réel.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Richard Yung. En cas de catastrophe naturelle – tsunami, tremblement de terre – ou d’événements exceptionnels - guerres civiles ou révolutions, notamment -,…
M. René-Pierre Signé. Belle énumération !
M. Richard Yung. … nos concitoyens expatriés courent le risque de perdre la totalité de leurs biens, personnels ou professionnels.
Nous avons tous en mémoire les situations dramatiques vécues par nos concitoyens ces dernières années. Je citerai la crise politique en Côte-d’Ivoire, fin 2004, qui a provoqué le rapatriement de plus de 8 000 d’entre eux, le tsunami en Asie du Sud-Est, également fin 2004, qui a entraîné plusieurs centaines de rapatriements, ou encore le conflit libanais de l’été 2006, qui a causé plus de 10 000 rapatriements. Nous avons fait face.
Nous connaissons tous aussi – plusieurs de mes collègues ont coutume d’être sur place – l’accueil réservé à ces Français rapatriés à Roissy : ils descendent de l’avion souvent en short et en tee-shirt, avec pour tout bagage un petit sac, seul bien qu’il leur reste au monde.
La République s’occupe bien d’eux, ils sont pris en charge, mais, une fois les premiers jours passés, que se passe-t-il ? Ces rapatriés, hébergés dans des foyers d’accueil, y végètent, d’autant plus qu’ils sont au chômage. Leur plus cher désir est, lorsque cela est possible, de repartir dans leur pays de résidence, pour y relancer leurs activités professionnelles et reprendre le cours de leur vie.
L’on m’objectera qu’une telle indemnisation grèverait le budget de l’État. Cependant, il existe plusieurs possibilités de financement. Il serait ainsi possible d’utiliser, en support ou en soutien, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, le FGTI – je regrette que, voilà une quinzaine de jours, les amendements que je présentais en ce sens aient été rejetés –, fonds dont les ressources pourraient être abondées par un prélèvement sur les droits de chancellerie, par une taxe additionnelle sur les contrats d’assistance à l’étranger, voire, pourquoi pas ? par une partie des recettes issues du traitement des demandes de visas délivrés à l’étranger, qui s’élèvent à presque 80 millions d’euros par an.
En conséquence, je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement entend faire sur ce dossier, selon quel calendrier, où en sont vos réflexions et vos consultations en la matière, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde,ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, le type d’indemnisation que vous suggérez est actuellement à l’étude dans trois ministères différents, le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, le ministère des affaires étrangères et la Chancellerie.
M. Didier Boulaud. C’est foutu !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je tiens tout d’abord à rendre hommage non seulement aux sénateurs représentant les Français de l’étranger, mais aussi à l’ensemble des associations qui, depuis plus de vingt ans, contribuent à accueillir les Français victimes de catastrophes naturelles, mais également, parfois aussi, d’événements politiques qui les laissent démunis.
Ces associations, soutenues financièrement par la Chancellerie, jouent un rôle déterminant lors de chaque catastrophe naturelle – elles ont ainsi été actives, bien entendu, lors de celles que vous avez évoquées –, qu’il s’agisse de Karachi, de la Côte d’Ivoire, de Charm el-Cheikh.
Cependant, ces personnes doivent être indemnisées non seulement pour les biens qu’elles ont perdus, mais également pour le préjudice qu’elles ont subi.
Grâce aux CIVI, les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions, à chaque fois que l’infraction est lourde et le préjudice sévère, quel que soit le lieu où le dommage s’est produit, que l’auteur ait ou non été identifié, la victime, Français de l’étranger ou non, est indemnisée totalement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C’est un fonds que l’on doit à M. Badinter !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il y a ensuite l’indemnisation pour privation de biens.
Il ne faut pas se tromper, car les situations sont multiples et variées.
Les Français peuvent se trouver privés temporairement de la jouissance de leurs biens, mais la recouvrer totalement une fois le trouble apaisé. Dans ce cas, le problème est tout à fait particulier : il s’agit d’une interruption momentanée de jouissance des biens.
Ce problème est en général réglé par des conventions de protection des investissements que la France conclut avec le plus grand nombre d’États concernés.
Le cas le plus douloureux est évidemment celui de la privation définitive des biens. Le ministère des affaires étrangères et le mien travaillent actuellement en coopération avec les compagnies d’assurance pour déterminer quels produits de marché pourraient couvrir ce risque particulier. En cas de catastrophe, la solidarité nationale doit s’exprimer, mais la protection individuelle est l’affaire de chacun.
M. Robert del Picchia. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Cette double prise en charge du risque correspond aussi à la double situation qui est celle des expatriés : ils bénéficient, d’une part, d’un certain nombre d’avantages particuliers, mais, d’autre part, sont exposés à des risques supplémentaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)