M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 373, transmise à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur les difficultés rencontrées par certains Français établis hors de France qui ont souscrit un contrat d'assurance vie ou un contrat de prévoyance avant de partir à l'étranger.
Certaines notices d'assurance comportent des clauses qui excluent les Français résidant à l'étranger et annulent l'exécution du contrat d'assurance notamment « en cas de décès » - clause pour le moins paradoxale dans un contrat d'assurance vie ! - « ou de perte totale et irréversible d'autonomie survenue hors des pays de l'Espace économique européen, de la Suisse, des États-Unis et du Canada ».
Cette situation est particulièrement pénalisante pour nombre de nos concitoyens vivant dans ces zones géographiques fort étendues puisqu'elles couvrent le reste du monde. En effet, s'ils décèdent en cours de contrat, le capital constitué ne peut pas être versé aux bénéficiaires qu'ils avaient désignés lors de la signature du contrat.
Or, pour le Français expatrié peut-être plus encore que pour tout autre, le fait d'avoir souscrit un contrat d'assurance vie ou d'assurance décès est un facteur rassurant : il sait avoir mis à l'abri du besoin ceux qui lui sont chers et qui sont restés en France..
Plusieurs expatriés dans cette situation se sont ouverts à moi de cette question, également soumise à des collègues députés. Avant de questionner un membre du Gouvernement, j'ai évidemment saisi la Fédération française de l'assurance avec laquelle je pensais pouvoir ouvrir un débat.
La réponse, de nature très administrative, ne permet pas d'aller très loin. On m'explique en effet qu'il s'agit d'une question complexe dont le règlement dépend d'un certain nombre d'éléments techniques !
Je souhaiterais donc obtenir, monsieur le secrétaire d'État, des éclaircissements sur les motifs à l'origine de cette situation vécue ou en tout cas perçue comme une discrimination à l'égard de ceux qui continuent de cotiser à de tels contrats d'assurance vie.
Quelles raisons justifient que ces contrats soient suspendus ? Ne faudrait-il pas prévenir les souscripteurs et, le cas échéant, leur reverser, avec des intérêts, les cotisations déjà payées ?
Enfin, où iront les fonds s'ils ne sont pas versés aux ayants droit après le décès du souscripteur ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Santini,secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Christine Lagarde, qui n'a pu être parmi nous aujourd'hui.
Vous l'interrogez sur les difficultés rencontrées par les Français établis hors de France en matière de contrats d'assurance couvrant les risques de décès, incapacité, invalidité souscrits antérieurement à leur départ à l'étranger et particulièrement sur certaines clauses d'exclusion géographique.
La réponse sera assez longue, monsieur le sénateur, car nos compatriotes en faveur de qui vous avez plaidé seront amenés à l'invoquer.
Votre question rappelle aux Français qui partent à l'étranger qu'ils doivent être attentifs aux exclusions géographiques qui sont prévues dans les contrats d'assurance.
Les assureurs sont amenés à exclure certains pays de leur champ de couverture géographique pour plusieurs raisons.
En premier lieu, lorsqu'un assuré, quelle que soit sa nationalité, réside à l'étranger, le contrat peut se trouver soumis à un droit étranger que l'assureur ne maîtrise pas.
Ce droit peut d'ailleurs exiger dans certains pays que l'assureur soit agréé par une autorité locale de contrôle. L'assureur commettrait alors une infraction au droit étranger dont il s'agit si son contrat était valide sans condition à l'étranger.
En deuxième lieu, dans certains pays, il peut être difficile d'évaluer l'état de l'assuré pour mettre en jeu les garanties incapacité, invalidité, voire décès.
En troisième lieu, compte tenu aussi des conditions sanitaires et d'accès aux soins de certains pays, les assureurs ne peuvent pas tarifer aux conditions standard les assurés en partance pour ces pays.
Prévoir les conditions standard pour ces pays conduirait à augmenter le tarif des assurances pour tous les assurés sur le territoire français. La limitation de territorialité permet ainsi aux Français et résidents européens de bénéficier des meilleures conditions d'accès à l'assurance prévoyance.
En quatrième lieu, enfin, la société d'assistance qui exécute les prestations d'assistance, en particulier le rapatriement, prévues au contrat peut elle-même exclure certains pays de son champ d'action.
Pour toutes ces raisons, les exclusions territoriales sont aujourd'hui nombreuses dans les contrats d'assurance. Il s'agit non pas d'une discrimination mais, en réalité, d'une différence objective de situations qui appelle des réponses adaptées.
Les solutions existent d'ailleurs.
Un assuré peut demander à son assureur l'extension des garanties prévues au contrat de base, par exemple l'inclusion d'un pays non couvert dans la police standard.
Dans ce cas, l'assureur examinera sa capacité à répondre à la demande d'extension présentée par l'assuré, en la conditionnant le cas échéant au paiement d'une surprime représentative des risques supplémentaires pris par l'assureur pour couvrir la garantie demandée par l'assuré.
Là encore, il faut dire aux Français qui partent à l'étranger d'être attentifs à faire jouer la concurrence : les personnes souhaitant souscrire de tels contrats ont tout intérêt à démarcher plusieurs assureurs et courtiers pour trouver le contrat répondant le mieux et au meilleur prix à leurs attentes.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse.
Elle apporte quelques éléments qui permettront peut-être d'avancer. Nous demandons qu'il soit fait pression sur les sociétés d'assurance, d'une part pour qu'elles fassent un véritable effort d'information afin que les Français qui partent à l'étranger n'aient plus soudain la surprise de découvrir, dans la plupart des cas de bonne foi, que le contrat qu'ils avaient souscrit n'est plus valable, d'autre part pour qu'elles proposent davantage à leurs assurés les solutions que vous avez évoquées, y compris si nécessaire en contrepartie du paiement d'une surprime, encore qu'il y aurait sans doute à débattre du niveau que devrait atteindre celle-ci.