J'avais écrit le 16 février 2009 à Bernard KOUCHNER, Ministre des Affaires étrangères et européennes, et à Christine LAGARDE, Ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, au sujet de la situation des entrepreneurs français qui ont subi des dommages à leurs entreprises lors des derniers événements de Madagascar.
Vous trouverez ci-dessous la réponse du Ministre des Affaires étrangères et européennes, suivie de ma lettre.
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Paris, le 4 mars 09
Monsieur le Sénateur,
Votre courrier du 16 février sur la situation des entrepreneurs français ayant subi des dommages matériels à Madagascar m’est bien parvenu et je vous en remercie.
Le ministère des Affaires étrangères et européennes est naturellement très attentif à l’évolution de la situation politique à Madagascar. Alain JOYANDET, Secrétaire d’Etat chargé de la Coopération et la Francophonie, s’est d’ailleurs rendu sur place, les 11 et 12 février derniers, pour une double mission.
D’une part, il s’agissait de faciliter un dialogue entre le Président de la République malgache, M. RAVALOMANANA et le Maire de Tananarive, A. RAJOELINA dans le cadre d’une mission multilatérale de la Commission de l’Océan indien afin de favoriser une sortie de crise rapide, pacifique et durable, respectueuse de l’ordre constitutionnel et tenant compte des aspirations de la population malgache.
D’autre part, le Secrétaire d’Etat a également longuement rencontré la communauté française pour l’écouter, la rassurer le cas échéant, et également pour évaluer si les mesures d’information et de sécurité prises jusqu’ici étaient satisfaisantes.
Mon ministère a effectivement été informé du cas de personnes privées ou entrepreneurs, victimes de pillages au mois de janvier 2009. Un décompte chiffré des dommages n’a pu toutefois être encore effectué.
S’agissant de l’indemnisation locale de ces biens, nos compatriotes doivent, en premier lieu, s’adresser à leur assureur, une clause optionnelle ajoutée au contrat de base et couvrant les dommages commis lors d’émeutes pouvant avoir été souscrite localement (clauses 01 et 02 de la convention de la Fédération des Sociétés d’Assurances de Droit National Africaines). Les services français à Tananarive vérifient actuellement la position des assureurs malgaches qui, à ce stade, tendent vers l’exclusion de cette clause en ce qui concerne les récents événements. Les assureurs malgaches ont toutefois été convoqués par le ministère de l’économie local. Par ailleurs, les autorités d’un Etat étranger sont responsables de la protection des biens et des personnes, et par extension de l’indemnisation des dommages. A ce titre, si l’Etat malgache allouait une indemnité à ses nationaux, les Français pourraient solliciter le même traitement en application de l’accord franco-malgache du 25 juillet 2003 sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (art. 5).
En France, les victimes peuvent saisir la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction en s’adressant, en tant que résidents à l’étranger, au Tribunal de grande instance de Paris. Cette Commission peut, en effet, dédommager au titre de la solidarité nationale les victimes d’infractions ayant subi une atteinte grave à leur intégrité physique ou les victimes d’infractions aux biens, sous réserve cependant de conditions de ressources.
Ainsi que vous l’indiquez, aucune disposition permanente n’existe, à ce jour, dans la loi française permettant d’indemniser, au titre de la solidarité nationale, les expatriés victimes de pertes matérielles résultant de troubles politiques, quel que soit leur pays de résidence. Les propositions de lois faites en ce sens n’ont effectivement pas abouti en dépit des discussions suivies sur ce thème entre le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Ces deux ministères recherchent actuellement avec les sociétés d’assurances un produit de prévoyance individuelle répondant aux attentes des expatriés.
Consulté sur l’octroi de prêts bancaires à taux réduit aux entrepreneurs français ayant subi des préjudices, le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi précise que c’est au niveau local que les banques peuvent apprécier les demandes et les éventuelles réponses à y apporter.
Sensible, comme vous, à la situation de nos compatriotes à l’étranger victimes de ce type de dommages, j’ai demandé à mes services, tant à Paris qu’à Tananarive, d’apporter tout leur soutien aux Français de Madagascar ayant eu à souffrir des troubles récents afin de faciliter leurs démarches auprès des administrations compétentes, au mieux des réglementations existantes.
Je vous prie de croire, Monsieur le Sénateur, à l’expression de ma haute considération.
Bernard KOUCHNER
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Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Je souhaite attirer votre attention sur la situation des entrepreneurs français à Madagascar qui ont subi des dommages à leurs entreprises lors des derniers événements qui ont frappé la Grande Île. Selon les informations que nous avons rassemblé, grâce en particulier à Français du Monde-ADFE-Madagascar ainsi qu’aux conseillers à l’AFE et aux autres associations françaises de Madagascar, dans les principales villes de Madagascar il semble que pour une cinquantaine d’entre eux les manifestations se sont traduites par une destruction partielle ou totale de leurs moyens de production (bâtiments, équipements) et parfois des stocks. Nous tenons à votre disposition la liste de ces entreprises.
Les assurances malgaches, comme les assurances françaises, ne couvrent pas le risque politique et quand bien même un dédommagement serait possible, il serait de bien faible niveau. Je souligne qu’il s’agit pour la très grande majorité d’entreprises petites ou moyennes de droit malgache et qui sont installées de manière permanente. Ce tissu d’entreprises est très important pour maintenir la présence économique française et les flux d’importations et exportations avec la France.
Je sais qu’il n’existe pas de mécanisme d’indemnisation pour les entrepreneurs français dans de telles situations puisque j’ai moi-même déposé une proposition de loi visant à assurer l’indemnisation des dommages subis à l’étranger (Texte n° 356 (2007-2008) déposé au Sénat le 27 mai 2008) et que j’ai interrogé le Gouvernement au Sénat le 16 mai 2008. Mme Lagarde, Ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, qui m’avait répondu, avait indiqué que la question d’un fond d’indemnisation était « à l’étude dans trois ministères ».
En attendant la mise sur pied d’un tel fond, je souhaiterais vous demander de bien vouloir envisager une indemnisation, même partielle, pour ces chefs d’entreprise soit à travers les fonds d’aide et d’indemnisation des Français rapatriés soit par tout autre moyen, de manière à leur permettre de relancer leurs activités dans les meilleurs délais.
Je vous prie de croire, Madame, Monsieur le Ministre, à l’expression de ma haute considération.
Richard Yung