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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

Mandat que j'ai eu l'honneur de faire vivre de 2004 à 2021.
Ce site est une image à la fin de mon mandat.
Vous y trouverez plus de 2 000 articles à propos des Français de l'étranger. C'est un véritable témoignage de leur situation vis-à-vis de l'éducation, de la citoyenneté, de la protection sociale, de la fiscalité, etc. pendant ces 17 années.

Je me suis retiré de la vie politique à la fin de mon mandant en septembre 2021, je partage désormais mes réactions, points de vue, réflexion sur https://www.richardyung.fr

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Richard Yung
Octobre 2021

Les 21 et 22 juillet, j’ai participé au débat sur le travail dominical. Malgré l’opposition de la gauche sénatoriale, la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires a été adoptée avec seulement 6 voix d’écart par les sénateurs de la majorité.

A l’instar de mes collègues du groupe socialiste, j’ai voté contre ce texte car il représente un changement profond pour notre société. C’est un pas de plus vers une généralisation du travail du dimanche et un très mauvais signe adressé aux acteurs économiques qui enfreignent la loi, dont ce texte légalise les procédés. Le groupe socialiste s’est longuement battu contre ce texte. Nous avons déposé une quarantaine d’amendements. Malheureusement, il a été adopté par un vote conforme, c’est-à-dire sans aucune modification, nos amendements ayant tous été rejetés et la droite n’en ayant déposé aucun. Il me semble dommageable pour notre démocratie et pour le Sénat qu’un texte aussi important et polémique n’ait pas été amendé par les parlementaires de la majorité. Seuls trois sénateurs du groupe UMP ont voté contre.

Ce texte, qui nous a été présenté comme réaffirmant le repos dominical, est en réalité une attaque de plus contre les acquis sociaux de la France et l’héritage du Conseil national de la résistance (CNR), que le Président de la République revendique pourtant.

Les arguments économiques avancés par la majorité sont fallacieux. Ouvrir les magasins le dimanche ne crée pas de croissance. Il y aura seulement un transfert de la consommation de la semaine sur le dimanche, comme le prouve une étude du CREDOC. Pour qu’il y ait davantage de consommation, il faudrait également qu’il y ait plus d’argent disponible, ce qui n’est pas le cas. De plus, en période de crise, l’épargne tend à se contracter et elle ne sert pas à consommer. L’ouverture des magasins le dimanche ne crée pas non plus d’emplois. Les quelques emplois créés seront moins nombreux que les emplois détruits dans le petit commerce. Dans un article publié voilà quelques mois, une soixantaine de députés de la majorité précisaient que, en matière de travail dominical, pour un emploi créé dans la grande distribution, trois emplois sont détruits dans le commerce de détail.

De plus, les conséquences sociales de ce texte sont dramatiques. Cette loi va aggraver la situation des salariés les plus précaires car, pour beaucoup d’entre eux, le travail dominical deviendra obligatoire et sans contrepartie. Le gain en plus pour les salariés n’est pas assuré. Dans les zones à périmètre d’usage de consommation exceptionnelle (PUCE), les salariés travaillant le dimanche seront payés le double. Mais les salariés travaillant dans une zone touristique et thermale ne bénéficieront pas d’une contrepartie financière obligatoire. L’inégalité de salaire sera donc forte sur le territoire français, un salarié travaillant pour le même groupe sera par exemple payé le double à Marseille (PUCE) mais pas à Toulouse. Le flou qui règne autour des classements par zone est favorable aux abus. En effet, qu’est-ce qui empêchera une ville de demander le classement en zone touristique plutôt qu’en PUCE pour éviter de payer le double les salariés ? La sur-rémunération est alléchante pour un salarié pauvre, mais elle peut aussi se faire au détriment de ceux qui ne travaillent pas le dimanche. Et il est pour le moins surprenant que la grande distribution accepte de payer ses salariés le double le dimanche alors qu’elle rechigne à augmenter les bas salaires de ses employés, qui sont pourtant principalement des travailleurs pauvres.

Ne nous y trompons pas, si la majorité parlementaire argue du fait que le travail le dimanche sera volontaire, nous savons pertinemment bien que les volontaires seront les travailleurs les plus pauvres. Est-ce vraiment un choix de travailler le dimanche lorsqu’on ne gagne pas assez sa vie en semaine ? Et quel poids un salarié aura-t-il face à un patron qui lui demandera de travailler le dimanche ?

Loin de réglementer le travail le dimanche, cette loi dérégule le droit du travail au nom du « dieu consommation ». Or, est-il bon dans une société de tout sacrifier sur l’autel de la consommation ? Le dimanche est le seul jour où les familles peuvent se retrouver et partager des moments de vie en commun, enfants comme parents étant libre ce jour là. C’est le moment des activités culturelles, associatives et sportives.

On nous dit que ce sont des célibataires qui travaillent le dimanche. Mais célibataire, on ne l’est pas forcement toute sa vie, et quid du lien social ? Un célibataire n’est-il pas libre, lui aussi, de voir ses amis ou sa famille ? Travailler le dimanche, c’est détruire la vie de famille, mais c’est aussi détruire le lien social et risquer de vivre dans une société atomisée. Que devient une famille dans laquelle chacun vit à un rythme différent ? Qu’est-ce qu’une société sans rythme commun ?

On nous dit également que les étudiants financeraient ainsi leurs études. Mais est-ce une réponse au problème du financement des études supérieures que de demander à des jeunes qui sont en cours la semaine de travailler le week-end ? A l’avenir, il ne faudra pas s’étonner de la hausse du taux d’échec aux examens à l’université. De plus, un commerce ne fonctionne pas seulement avec des étudiants.

Le gouvernement a également avancé comme argument que certaines personnes n’avaient que le dimanche pour faire leurs courses. Mais pourquoi y a-t-il encore en France des gens qui n’ont qu’un seul jour de congé par semaine ? Si la motivation du gouvernement et de la majorité était réellement de faciliter la vie des travailleurs, pourquoi ne pas plutôt rendre obligatoire un jour et demi ou deux jours de congé par semaine, et pourquoi être revenu sur les 35 heures ?

Je regrette qu’avec ce texte, au nom de la modernité et de la consommation, on regarde tout sous l’angle économique. Pourquoi sacrifier le bien-être des uns au nom des attitudes de consommation supposées des autres ? C’est faire preuve d’individualisme que de demander à des personnes souvent précaires de travailler pour satisfaire les désirs de ceux qui ont les moyens de consommer. Est-ce vraiment la seule chose que le gouvernement ait à proposer aux Français que d’acheter sept jours sur sept ? Le travail doit contribuer  à l’épanouissement de l’homme et non à son assujettissement. Il est également essentiel de « ne pas tomber dans l’addiction à la consommation ».

En somme, l’extension du travail le dimanche n’est pas une affaire d’efficacité économique mais un choix de société. Le choix fait par le gouvernement et la majorité consiste à favoriser l’intérêt de grands groupes punis par la justice pour des pratiques d’ouverture illégales en les récompensant par une loi économiquement inefficace mais socialement dévastatrice. Pour nous, socialistes, précariser toujours plus les travailleurs ne peut pas être un projet de société.