Nous commençons aujourd’hui le débat sur la Poste, avec retard ayant bataillé ferme sur la loi ouvrant la concurrence dans le domaine du transport ferroviaire. Officiellement il s’agit de transcrire une directive européenne (dite 3ème directive, de 2008) qui doit permettre plus de concurrence entre les services postaux et qui met fin aux monopoles des services nationaux (la Poste, Royal Mail, Deutsche Post, ...), certains pays l’ayant déjà anticipé.
Le PS et l’ensemble de la Gauche vont s’opposer de toutes leurs forces à la proposition gouvernementale, soutenu par une grande majorité de l’opinion publique comme l’a montré la pétition nationale qui a recueilli 2,4 millions de signatures.
Pourquoi en est-il ainsi ? Sommes-nous un groupe de vieillards cacochymes enfermés dans des modèles économiques et sociaux du 19ème siècle et incapables de faire évoluer une pensée déjà rigidifiée ? Pire encore, sommes nous des traitres et des menteurs comme le dit l’UMP qui prétend que la première directive sur la Poste a été adoptée en 1997 sous la responsabilité de Lionel Jospin ?
Faisons justice de ce dernier point : cette directive de 1997 ne prévoyait aucunement le financement de la Poste en dehors du service public et donc ni secteur réservé ni encore moins de privatisation.
Sur le fond, et sans être un spécialiste de ce dossier complexe, je résume notre analyse par les observations suivantes :
- Nous considérons que les activités centrales de la Poste consistent à distribuer le courrier sur tous les points du territoire y compris les lieux isolés et difficiles d’accès dans un délai raisonnable. Il en est de même pour les services financiers de base.
- Que ceci doit se faire sans différences de tarification, les contraintes de service public étant financées soit par péréquation soit par une subvention publique.
- Je pense à titre personnel qu’une certaine concurrence entre services publics nationaux pouvait être envisagée, sous certaines conditions, pour dynamiser le marché.
- Ouvrir les marchés nationaux à des opérateurs privés reviendra probablement à sélectionner les niches du marché les plus rentables et à les confier à ces intérêts privés qui cherchent pour leurs actionnaires privés – ce que je comprends - une rentabilité rapide et élevée, mais qui ne sont pas intéressés par les activités de service public comme distribuer le courrier dans les hautes vallées pyrénéennes ou permettre aux retraités des Ardennes de toucher leurs retraites de 800 € mensuels.
- Plus grave encore, nous ne comprenons pas la logique de la privatisation ou plutôt nous en soupçonnons les raisons. Il n’y a aucune obligation juridique dans la transposition de la directive. Le gouvernement jure « croix de bois croix de fer, si je mens j’irai en enfer » que la privatisation est totalement éloignée de ses intentions. Alors pourquoi ne pas garder le statut d’Établissement industriel et commercial (EPIC) qui est celui de la Poste pour lui substituer celui de Société anonyme ? Rien ne le justifie sinon le fait que le capital de cette SA sera progressivement ouvert aux intérêts privés. Le gouvernement montre d’ailleurs le bout du nez en avouant que le but est de trouver de quoi financer les investissements importants que la Poste doit faire dans les prochaines années et que l’État ne peut assumer. Qui croira que de grandes entreprises industrielles ou financières apporteront plusieurs milliards d'euros à la Poste sans entrer à son Conseil d’administration.
- Toujours à titre personnel, je pense que la bonne solution eût été de créer un service public d’intérêt général européen, un service public européen de la Poste qui aurait coordonné puis harmonisé et enfin fusionné progressivement sur une durée assez longue les monopoles nationaux. On aurait pu ainsi arriver à un service public efficace et à une tarification unifiée (par exemple avec un timbre européen). Mais on tourne le dos une fois de plus à ces solutions de bon sens.
Non décidément nous ne pouvons croire au scénario de l’excellent M. Estrosi, scénario digne de la fée Clochette et nous porterons le combat contre la privatisation de la Poste dans ce débat.