Comment débattre avec un ministre anciennement socialiste et rallié à Sarkozy ?
Nous sommes dans le vote du budget, jour et nuit. Vendredi j’ai pu intervenir sur deux ministères : l’administration pénitentiaire et l’immigration, Jean-Marie Bockel et Éric Besson, deux transfuges du PS. Cela complique bien sûr la tâche car il y a un sentiment de malaise, une gêne pour eux qui se sont salis dans cette trahison de leurs valeurs et de leurs idées. Ils expliquent qu’il n’en est rien et qu’au contraire ils sont, eux, constants dans leurs convictions mais chacun sent que les objectifs politiques de Sarkozy qui sont, je le répète, très construits sur le plan idéologique, ne sont en aucun cas ceux de la social-démocratie ou du socialisme européen, c'est-à-dire les nôtres. Il n’y a aucune confusion possible.
Et plane le doute sur leurs motivations : l’attrait du pouvoir (même formel), le titre et les honneurs de ministre qui couronne toute vie politique. Présentés comme des « prises de gauche », ces deux hommes ont créés chacun leur mouvement ou embryon de parti pour montrer qu’ils ne sont pas venus seuls mais qui peut citer le nom d’un seul membre de ces sociétés très secrètes ?
Les deux hommes ne sont pourtant pas les mêmes du moins dans la perception que j’en ai. Jean-Marie Bockel a plus d’arguments idéologiques : il a longtemps ferraillé au sein du PS pour défendre une ligne « travailliste » à la Tony Blair, il est catholique de tradition, très militaire (grand enthousiaste d’une intervention militaire en Irak) et nationaliste. D’une certaine manière, il était « égaré » à gauche (du moins ces dernières années car n’oublions pas qu’il a été longtemps un thuriféraire du Ceres de Chevènement, genre « plus à gauche tu meurs »). Et l’on voit bien qu’il souffre dans son parcours à droite : remercié brutalement du secrétariat d’Etat à la coopération pour faute de « lèse-Bongo », il est maintenant aux côtés de Michèle Alliot-Marie qui ne rate pas une occasion de l’humilier. C’est le prix de sa faute et bien normal. Éric Besson est une toute autre histoire. Il a rompu brutalement avec le PS pendant la campagne présidentielle ainsi qu’avec la candidate – malheureuse – officiellement en désaccord sur le chiffrage du programme. Curieusement, il réapparait très rapidement comme « soutien de gauche » à Sarkozy. Et depuis cet acte fondateur il grimpe rapidement les échelons de l’UMP où il aspire visiblement à jouer un rôle important dans le domaine des idées. C’est pourquoi il a pris avec une certaine délectation ce portefeuille très marqué par l’idéologie de droite et d’extrême-droite qu’est le ministère de l’Immigration. Il pense sans doute y montrer qu’il assume sans état d’âme sa trahison idéologique et qu’il pourra y être reconnu comme apporteur d’idées, d’où par exemple le débat sur l’identité nationale. On le sent aussi dans les débats : c’est un teigneux qui cherche toujours à rendre coup pour coup et il est vrai qu’il s’est mis dans une position où il en reçoit. Mais je pense qu’il aime cela, que cela le justifie dans sa conduite.
Quelle conclusion à tout cela demanderez-vous ? Il se trouve que lundi nous allons débattre du budget du ministère des affaires étrangères qui est le ministère des français hors de France. C’est une fois de plus un budget catastrophique, en chute verticale, les diplomates du Quai d’Orsay n’ayant aucune capacité de résistance à Bercy. Et il se trouve que c’est un troisième transfuge du PS qui en est le ministre et que je me demande donc comment faire passer mon message !