J’étais hier soir à l’avant-première du film de Jean Michel Carré intitulé « Les Travailleu(r)ses du sexe », et l’affiche ajoute « et fières de l’être ». Cela se passait au cinéma des Cinéastes, avenue de Clichy, qui est un de ces vieux et charmants cinémas, propriété de la société professionnelle des cinéastes.
Première surprise : je pensais trouver une réunion militante, confidentielle avec 30 personnes. La salle de 600 places est pleine ! Public de tout genre, souvent jeune, bon enfant, souriant et détendu. Jean Michel Carré présente son film qui vient après plusieurs documentaires qu’il a tourné dans les années 2000-2002 sur la prostitution, en particulier celle des jeunes étrangères prises en main par des réseaux et forcées sous les pires violences à se vendre. Il a aussi tourné sur les conséquences de la loi Sarkozy de 2003 instaurant le racolage « passif » qui a chassé les prostituées vers des lieux de plus en plus improbables et dangereux en banlieue, qui les a soumis encore davantage aux réseaux de souteneurs, qui permet leur arrestation plusieurs fois par jour (c’est bon pour les statistiques policières). Alors, sans doute pour montrer un autre visage de la prostitution, il a choisi de montrer des femmes et des hommes (travestis ou pas) qui se prostituent de leur libre volonté, sans souteneur et selon ce qu’ils ou elles veulent faire. Plusieurs personnalités attachantes, souvent en Belgique ou Suisse où la prostitution est légalisée et non pas ignorée comme en France, expliquent leur vie. Action très thérapeutique, chaleur humaine, aide aux handicapés privés de toute sexualité : des dialogues très prenants, troublants, humains, éloignés de toute l’hypocrisie sociale généralisée. Vue ainsi, on se sent proche de ces femmes qui remplissent presqu’une mission de service public. Il reste néanmoins un petit doute : ce qu’elles disent est certainement vrai mais représentent-elles la réalité de la prostitution en France (je ne parle pas des pays qui ont accepté la prostitution). La grande majorité n’est-elle pas ces filles de l’Est prises dans des mafias albanaises ou calabraises et qui vivent dans la terreur et la violence ? En tous cas ce qui est clair, c’est que nous devons revenir urgemment sur cet article du Code qui instaure le racolage passif (être assis à la terrasse d’un café suffit) !