L’alliance de la droite et du centre et l’abstention des communistes ont encore frappé au Sénat. Dernière victime en date : la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle qui traduit l’engagement, pris par François Hollande à Florange lors de sa campagne, de protéger l’emploi industriel contre le couperet d’actionnaires avides.
Comment, en effet, accepter que des entreprises ou des sites industriels dont l’activité est rentable ferment leurs portes et procèdent à des licenciements collectifs ? Il est temps de substituer une logique industrielle soucieuse de l’emploi à une logique financière soucieuse du seul profit. C’est le sens de cette proposition de loi.
D’une part, elle apporte une réponse juridique à l’injustice que constitue la fermeture des sites rentables en favorisant la reprise de ces sites. Ainsi, une entreprise de plus de 1000 salariés envisageant la fermeture d’un établissement ayant pour conséquence un projet de licenciement collectif aura la double obligation d’en informer le comité d’entreprise et de rechercher un repreneur. Toute offre de reprise devra être transmise au comité d’entreprise qui pourra émettre un avis sur chaque offre, formuler des propositions et même chercher de son côté un repreneur. À l’issue de cette procédure, l’entreprise devra rendre compte au comité d’entreprise de sa décision de donner suite ou non aux offres reçues. Si ce dernier estime que le refus de cession est injustifié ou que la procédure prévue n’a pas été respectée, il pourra saisir le tribunal de commerce qui est investi d’un pouvoir de sanction (pouvant atteindre vingt fois la valeur du SMIC par emploi supprimé).
D’autre part, la proposition de loi vise à prévenir de telles situations en encourageant un actionnariat de long terme qui privilégie le développement du projet économique. La mesure essentielle du texte est la généralisation du vote double pour les actionnaires stables (de plus de 2 ans). Ce vote double existe déjà mais à condition d’être prévu par les statuts de l’entreprise. Désormais, le vote double sera de droit sauf clause contraire. Cette « prime à l’ancienneté » est d’autant plus souhaitable qu’elle permettra à l’État, actionnaire ancien et stable de nombreuses entreprises stratégiques, de conserver sur ces dernières un pouvoir de contrôle identique tout en utilisant moins de capital. Le capital ainsi dégagé, estimé à plus de 10 milliards, pourra être réinvesti dans d’autres groupes, ce qui donnera à l’État stratège les moyens d’une politique industrielle nationale ambitieuse.
Je regrette donc le rejet de ce texte par le Sénat mais je suis persuadé que l’Assemblée nationale tiendra bon sur cet engagement du président de la République.