Splendide roman africain (chez Gallimard) et pas seulement parce qu’il a obtenu le Renaudot. Tout en petites touches subtiles, nous voilà dans une école catholique pour jeunes filles de la classe dirigeante au Rwanda, essentiellement Hutues.
L’école est dans les montagnes (le pays des mille collines), près d’une source supposée du Nil protégée par une statue d’une Vierge noire qui n’est autre que Notre-Dame du Nil. Ce n’est pas par hasard car le Nil est le lien entre les Tutsis et les pharaons noirs de Méroé alors que les Hutus sont d’origine purement africaine. C’est un vieux colon un peu fou, adorateur des princesses soudanaises, qui explique cela aux jeunes filles.
La vie se déroule tranquillement dans le pensionnat : cours, repas, dortoir, la Mère Sup’ autoritaire, le curé un peu libidineux, la saison des pluies, les visites des parents tous « grand quelqu’un ». Du moins à la surface des choses car les passions cheminent par en dessous : découverte de leurs corps, du monde, des passions et surtout monte la tension qui aboutira au génocide de 1994 : un million de morts en 100 jours ! Mais ceci, dans le roman, est en arrière-plan seulement : on le sent poindre entre contraste brutal avec la vie rangée et protégée de jeunes pensionnaires de notre Dame du Nil. Et l’histoire est servie par un style épuré, transparent, une belle écriture.
Un film que vous pouvez ne pas voir : « Anna Karénine » de Joe Wright avec Keira Knightley (Anna) et Aron Taylor-Johnson (Vornsky). L’idée centrale pourtant était bonne : l’ensemble de l’action se déroule dans un théâtre qui sert de cadre donc à chacune de scènes. Sacro sainte unité de lieu ! Ce qui fragilise le film c’est d’abord un goût prononcé pour un esthétisme cotonneux : bleus et roses layette, blancs mère Denis, personnages sapés « Vogue ». Et puis, si Anna est séduisante, il n’en est pas de même de son Vronsky qui fait gamin égaré dans un rôle trop grand.