Triste époque que celle que vivent les juifs de France. Ces derniers mois, les attaques à leur encontre n’ont cessé de se multiplier. Selon le CRIF, le nombre d’actes antisémites aurait doublé entre 2013 et 2014.
La prise d’otage du supermarché casher le 9 janvier 2015 nous a rappelé jusqu’où la haine contre cette communauté pouvait aller. Même dans les moments les plus banals de la vie quotidienne, être juif fait de vous une cible potentielle. Cet épisode tragique, et ceux qui ont suivi (attaque de la Grande synagogue de Copenhague, profanation de quelques 300 tombes au cimetière juif de Sarre-union), sont révélateurs d’un climat d’antisémitisme qui se fait de plus en plus oppressant. Car derrière ces évènements qui marquent les esprits par leur puissance destructrice, ce sont autant de paroles et de comportements tout aussi insupportables qui s’ajoutent à la peur des juifs de France : incivilités, moqueries, insultes, intimidations, ou encore insinuations pernicieuses dont Roland Dumas a donné un exemple grotesque et indigne d’un ancien président du Conseil constitutionnel. Je n’oublie pas non plus les difficultés à enseigner la Shoah dans certains établissements. L’emprise que peuvent avoir les thèses de Dieudonné et autres théories du complot juif sur la jeunesse est effrayante.
Il est temps que nous prenions conscience du profond mal-être vécu par nos compatriotes juifs. L’an dernier, la France est devenue le premier pays d’émigration vers Israël : plus de 7000 juifs de France ont réalisé leur alya contre 3000 environ les années précédentes. Même s’ils répondent également à des aspirations de nature religieuse, ces départs en disent long sur la capacité de notre pays à garantir à sa population juive le sentiment de sécurité qu’elle est légitimement en droit d’attendre. Notre réaction doit être forte si nous voulons endiguer ce mouvement, surtout depuis que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a jugé bon de profiter de la peur des juifs de France – et, depuis les attentats de Copenhague, de tous les juifs d’Europe – pour lancer des appels à l’émigration en Israël. Ces déclarations sont malvenues car elles sous-entendent que la place des Français juifs n’est pas en France mais en Israël et donnent ainsi raison à ceux qui, pour d’autres motifs, ne supportent pas la présence de juifs en France. La réponse ferme du Premier ministre, Manuel Valls, a été très juste : « La place des Français juifs, c’est la France. Un juif qui part de France, c’est un morceau de France qui s’en va ».
Il faudra cependant bien plus que ces mots pour rassurer la population juive de France. Le placement sous protection policière des synagogues, écoles ou centres culturels est une mesure nécessaire dans le contexte actuel mais ne pourra être que transitoire. Un plan global de lutte contre le racisme et l’antisémitisme sera présenté d’ici la fin du mois. Le président de la République a annoncé qu’il contiendra des mesures de sécurité et de répression, notamment la généralisation de la caractérisation raciste et antisémite comme circonstance aggravante d’un délit, ainsi que de régulation du numérique, espace sur lequel la parole se libère trop souvent impunément. Afin de faciliter la mobilisation de tous les acteurs concernés, le nouveau délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, Gilles Clavreul, nommé en novembre 2014, a par ailleurs été rattaché directement au Premier ministre. Enfin, il est indispensable de s’appuyer sur l’école pour combattre l’antisémitisme dès le plus jeune âge. L’enseignement de la morale laïque à partir de la rentrée 2015 sera l’occasion de rappeler aux jeunes les règles du vivre ensemble et de la tolérance religieuse. La Shoah doit quant à elle être étudiée partout et sans restriction.
Mais au-delà de ces mesures, il faudra un engagement fort de la Nation et de chacun d’entre nous !