Je viens de terminer la lecture du livre de Raphaëlle Bacqué Richie. Ce livre avait créé la polémique parmi ceux qui connaissaient Richard Descoings, fréquentaient Sciences.
Il ne faut pas oublier l’apport considérable de Richard Descoings. Il a révolutionné Sciences Po : désormais le cursus que les étudiants y suivent n’a plus rien à voir avec ce que j’ai connu quand j’y suis passé.
La durée des études a été alignée sur le modèle anglo-saxon (bachelor en 3 ans puis master en 2 ans) pour renforcer le poids de l’IEP sur la scène internationale. Toujours dans ce but les étudiants passent désormais tous leur troisième année à l’étranger et plus de la moitié des étudiants à Paris sont en échange, issus d’universités du monde entier.
Il a aussi renforcé la recherche, en créant de véritables écoles doctorales avec des centres de recherche en histoire, en sociologie, en droit et en sciences politiques…
Bref, il a fait de cette petite grande école franco-française une institution qui sert désormais à la renommée universitaire internationale de la France.
Alors oui, Richard Descoings avait ses parts d’ombre ; les descriptions qui montrent à quel point sa passion pour son travail et ses étudiants était dévorante sont parfois effrayantes. On comprend à quel point, à travers ses fragilités ses dérives et ses doutes, il avait besoin de s’appuyer sur une poignée de très proches pour trouver au fond de lui les ressources nécessaires à son rêve.
Mais si je veux revenir plus précisément sur ce livre, c’est qu’il montre à quel point en France, il est difficile de faire bouger les lignes. C’est particulièrement illustré à l’occasion de l’ouverture de l’école à des étudiants brillants, mais issus de lycées ZEP. Les procédures que Richard Descoings a mis en place tenaient du jamais vu. Et les barrières furent nombreuses, à tous les niveaux. Alors même qu’aujourd’hui ces étudiants réussissent aussi bien que les autres, et que ce modèle de convention CEP est copié par tous. C’est peut-être là le message que l’on doit tirer de ce livre : le fait de ne jamais renoncer. Et d’oser.
Tous les jours, lors de mes travaux au Sénat, de mes rencontres dans les ministères, de mes auditions en commission je constate à quel point il est difficile de faire avancer la moindre réforme. Alors qu’ils sont nombreux à être passés par cette école et à avoir profité du tourbillon initié par Richard Descoings, l’inertie des traditions, le poids des conventions est très fort. On se met à chercher en vain la force de caractère, la puissance de la vision, la capacité d’innovation que des gens comme lui peuvent avoir. Quitte à être parfois à rebours d’une certaine orthodoxie.