Sauf à adopter la méthode Coué, il est difficile de pavoiser après les résultats de ces élections départementales qui sont inquiétants pour la gauche à l’heure où le tripartisme s’est installé dans la vie politique.
Certes, le PS et ses alliés ne subissent pas la déroute annoncée par les médias et regagnent des voix par rapport aux élections européennes, signe que la stratégie de Manuel Valls de politiser le scrutin et d’en appeler au sursaut républicain de la gauche contre le danger que représente l’extrême-droite a été utile. Si l’on prend le bloc de gauche dans son ensemble, nous sommes même tout juste devant la droite avec 36,70% des voix. Cela ne doit pas pour autant être un motif de satisfaction car la gauche a rarement atteint un niveau aussi bas – la remarque vaut d’ailleurs pour la droite qui enregistre aussi un plus-bas historique.
Contrairement à la droite qui s’est largement rassemblée au premier tour, la gauche paie le prix de ses divisions. Dans plus du quart des cantons, aucun candidat de gauche ne sera présent au second tour alors que dans la majorité d’entre eux, le score cumulé des voix de gauche aurait permis la qualification au second tour. La multiplication des candidatures de témoignages ainsi que la tentative – vouée à l’échec – de certains écologistes de créer un pôle alternatif avec le Front de Gauche a desservi la gauche dans son ensemble. Il ne faut cependant pas se contenter de rejeter la faute sur nos partenaires mais admettre notre part de responsabilité. Nous la connaissons : des résultats économiques – sur le chômage notamment – qui tardent à se faire sentir d’une part, un problème de méthode et de pédagogie d’autre part.
Le véritable enseignement de ce scrutin reste l’installation du tripartisme avec un FN qui atteint des sommets. S’il ne réussit pas à s’imposer comme première force politique de France, c’est uniquement parce que l’UMP s’est alliée à l’UDI et au Modem dans la plupart des cantons. Seule cette alliance permet à la droite de dépasser in extremis le FN. Il n’y a là rien de rassurant. D’autant plus que cette alliance est fragile et ne pourra tenir indéfiniment tant les divergences sont profondes au sein de ces formations politiques, en particulier quant à la position à adopter face à un second tour PS contre FN. Si le centre reste imperméable aux idées d’extrême-droite et a appelé à faire barrage au FN, l’UMP a abandonné tout esprit républicain en réaffirmant par la voix de son président Nicolas Sarkozy la position du « ni-ni ». J’ai déjà eu l’occasion de le dire : cette position, qui n’est en aucun cas une liberté de vote – puisqu’elle proscrit le vote PS autant que le vote FN – est extrêmement dangereuse et contribue indéniablement à la banalisation du FN en suggérant une stricte équivalence entre lui et le PS.
Je ne pourrai jamais me satisfaire d’une extrême-droite qui rassemble plus du quart des votants et s’implante aussi solidement dans certains territoires. Par rapport aux élections européennes, le FN progresse en nombre de suffrages, ce qui est logique compte-tenu d’une participation en hausse de 8 points, mais il progresse aussi en pourcentage de voix, ce qui est beaucoup plus inquiétant pour l’avenir car cela indique que le FN dispose d’une importante réserve de voix parmi les abstentionnistes. Pour nous, cela veut dire qu’il ne suffit plus d’en appeler à la mobilisation des abstentionnistes de gauche ou à l’unité de la gauche mais qu’il faut lancer un travail exigeant de reconquête sur le plan des idées et du projet politique pour faire refluer l’extrême-droite.
Nous devons aussi comprendre que les électeurs frontistes n’adhèrent pas tous, loin s’en faut, aux idéologies d’extrême-droite. Pour une part importante, ils viennent de l’électorat de gauche et votent sur le thème « L’UMP et le PS ont échoué. On a plus d’espoir. Essayons le FN ». C’est donc bien un travail de reconquête des esprits qu’il nous faut lancer, et pour cela, deux ans, c’est bien court.