La remise en cause des droits de l’homme aux États-Unis est plus qu’inquiétante. Il y a un contrôle policier généralisé, un encouragement à la délation, des pouvoirs exorbitants à la police et à la justice qui font que vous vous sentez en permanence en danger.
Je dois dire que je fais « ouf » quand la porte de l’avion d’Air France se ferme. Se rajoute une réglementation de tout, des menaces de poursuites à tout bout de champ. Par exemple, dans votre chambre d’hôtel, la première chose que vous trouverez est un avis vous menaçant de ceci et de cela si vous fumez. Ou bien dès que vous êtes dans l’avion, l’hôtesse lit une longue litanie de tout ce qui est interdit. Plus grave encore vous devez donner en permanence des renseignements sur vous-même : nom, adresse, téléphone, … Il semble que ce soit habituel dans les affaires et dans la vie des sociétés et il n’y a guère de précautions sur ce que deviennent ces informations. Il semble aussi que la police et d’autres aient un accès non réglementé à de nombreuses données personnelles.
Je rappelle la brutalité de la justice américaine et l’inégalité des citoyens. La peine de mort considérée dans de nombreux États du sud comme non pas une prévention ou un moyen de dissuader le crime mais comme la loi du talion. Chacun connait ce camp de la honte qu’est Guantanamo. Volontairement installé dans une base militaire située à Cuba pour ne pas relever du système judiciaire fédéral américain, il compte des prisonniers détenus sans mandat, l’usage de la torture y est autorisé. Le Patriot Act (bien mal nommé) vient renforcer ce dispositif avec des écoutes illégales, des provocations simulées, la baisse des droits de la défense et de la liberté d’expression.
Par le poids de l’appareil répressif, je ressens des similitudes avec ce qu’était et est encore la situation en Russie : la prépondérance de la force publique sous toutes ses formes, le mépris pour la défense des droits individuels les plus élémentaires.
Je ne dis cependant pas que les États-Unis sont une non démocratie ou une dictature. Premièrement il semble qu’il y ait un consensus social autour de cette manière de faire. Cela vient probablement de l’habitude de la violence dans la société américaine et d’une lecture primaire de la Bible (« œil pour œil, … »). Il y a eu un choc émotionnel grave au moment des attentats du 11 septembre. Pour la première fois les États-Unis étaient atteints sur leur propre territoire et cela, d’une certaine manière, mettait fin à sa surpuissance et à son invulnérabilité supposés. Peut être le peuple américain sent-il venir la banalisation de sa puissance et le fait que la Chine et d’autres deviennent des puissances de même niveau avec qui il faut partager la conduite du monde. Finalement l’hégémonie américaine aura duré peu de temps à l’échelle de l’histoire, de 1945 à 1991.
Deuxièmement, il y a aux États-Unis les pouvoirs et contrepouvoirs qui garantissent la liberté de penser, d’écrire et de mener l’action politique. Les libertés publiques sont, de ce point de vue, mieux garanties et protégées que les libertés individuelles. Cela est d’autant plus difficile à comprendre que la Constitution et la philosophie qui la fonde sont en grande partie construites sur la protection absolue de la liberté individuelle : liberté de penser, le droit d’association, même le port d’arme…
Je regrette d’autant plus ce sentiment de méfiance et de critique vis-à-vis des États-Unis que c’est une grande nation, admirable par de nombreuses réalisations, un engagement à nos côtés précisément pour défendre la démocratie contre la dictature nazie et qu’elle est riche d’une pensée, d’une histoire, d’une culture de tout premier plan.
Comment expliquer cela au peuple américain qui se presse aux meetings du Tea Party, applaudit au populisme et à la pensée réactionnaire la plus vile ? Comment leur dire ce qui nous heurte chez eux ? (et je suis bien conscient que la réciproque peut être vraie et mérite débat entre nous). Le fait que la situation ne soit pas meilleure dans de nombreux autres pays et que même en France, il y ait des menaces sérieuses sur certaines libertés, ne justifie rien. Au contraire, on voudrait les États-Unis exemplaires.