La situation au Mali se complique chaque jour davantage. Une matinée d’étude fin mai à la Fondation Jean Jaurès nous a permis de faire le point.
La priorité est de rétablir un ordre constitutionnel à Bamako mais d’une part il semble bien que la médiation de la CEDEAO (essentiellement le Burkina Faso et Blaise Compaoré) soit mal acceptée voire inefficace et d’autre part que les militaires (Sanogo and co) jouent double jeu, peut-être manipulés par des politiques plus habiles. De plus, comment comprendre que le président transitoire soit en séjour long à Paris ? D’où l’idée qu’une intervention au niveau du Conseil de sécurité est nécessaire. Elle pourrait être présentée par un des pays de la région et soutenue par l’Algérie qui joue un rôle majeur dans la crise sahélienne. La France pourrait encourager cette démarche, compte-tenu de ses liens (supposés) être bons avec Alger.
Sur le plan militaire, également doute sur la capacité d’intervention de la CEDEAO avec, de plus, une certaine méfiance vis-à-vis de la Nigéria. Ce qui ne donne guère de solutions puisqu’on n’imagine pas une intervention occidentale ou française, d’autant que nous avons plusieurs otages français aux mains d’Aqmi et que nous cherchons à les faire libérer.
Par contre il y a convergence pour penser que, dans un deuxième temps, une solution politique et constitutionnelle, par exemple fédérale, est possible avec les Touaregs. La question touareg, contrairement à beaucoup de sottises, ne date pas de l’intervention de l’Union européenne contre le régime de Kadhafi, mais remonte aux années 1960. Elle n’a jamais trouvé de solutions satisfaisantes que ce soit au Niger, au Tchad, au Mali. Par contre, il est exact que l’arrivée de 2 à 3000 anciens soldats touaregs de l’armée libyenne, avec matériel et véhicule a aggravé la situation, surtout au Mali. D’autant que ces soldats ont perdu leur protecteur (Kadhafi). (Pour ceux que la question intéresse, lire le très complet rapport parlementaire (mars 2012) de François Loncle et Henri Plagnol à l’Assemblée nationale sur la situation sécuritaire au Sahel)
En contrepoint, un mot de l’évolution de la situation en Algérie. Les résultats des dernières élections législatives (10 mai) ont été peu commentés, malgré leur importante signification politique. Ils marquent une perte de vitesse des islamistes, 58 sièges, contre 221 au FLN (Abdelaziz Bouteflika et Abdelaziz Belkhadem), et 78 au RND du premier ministre Ahmed Ouyahia, ces deux partis formant une forte majorité de centre gauche, légèrement islamisante, nationaliste, indépendantiste. La gauche obtient 44 sièges mais avec un retour du FFS de l’historique Aït Ahmed.
Deux ou trois constats : malgré le désenchantement vis-à-vis de la politique, une forme de vie démocratique s’est mise en place. Avec un départ annoncé de Bouteflika, à la fin de son mandat, il y aura un vrai choix d’hommes (ceux cités, plus sans doute Ali Benflis et Mouloud Hamrouche) et un vrai débat sur la Constituante. Le pouvoir algérien reste complexe avec des strates multiples, des luttes d’influence entre le FLN, les militaires, la sécurité, les pétroliers, … et donc des contradictions. L’attitude ambiguë de l’Algérie dans l’affaire libyenne et face à la situation présente au Mali en témoigne. Malgré ces lourdeurs, ces blocages, la société avance, même si c’est lentement. Le bilan de Bouteflika sera finalement considéré comme bon : pacification de la société, grands travaux, maintien de la ligne d’indépendance même si l’économie restez bureaucratique et inefficace, si l’évolution des mœurs est figée.
On le voit, de part et d’autre du Sahara, rien n’est simple et une belle transsaharienne d’Alger à Bamako n’est pas pour demain.