Nous chantions ce refrain repris d’un slogan de l’Unité Populaire chilienne, pauvre défense contre les blindés de Pinochet et les avions de l’armée qui bombardaient le palais présidentiel de la Moneda à Santiago.
Il y a 40 ans déjà ! Ce 11 septembre 1973, un coup d’État militaire dirigé par Auguste Pinochet renversait par la violence le gouvernement du Chili et conduisait Salvador Allende au suicide. Cela a été un choc pour beaucoup d’entre nous, militants de gauche, du PSU pour moi. Nous nous réunissions dans une salle que beaucoup d’entre vous connaissent puisque c’est celle dans laquelle Français du Monde tient ses Assemblées générales, au FIAP, rue Cabanis. A l’époque, c’était un lieu sombre, mal aménagé, malodorant. À la tribune, se succédaient des orateurs enflammés, jeunes, barbus et fumant la gitane maïs. Comme toujours, beaucoup de bavardages et de balivernes, de luttes de fractions et de tentatives d’instrumentalisation des comités Chili que nous avions créés un peu partout (à Paris). Un des clivages principaux était de savoir s’il fallait soutenir la radicalisation du MIR, petit parti chilien qui avait mené des actions violentes contre la droite chilienne et contre certaines entreprises américaines et qui prônait la résistance armée aux forces militaires ! Pauvres de nous : il y eut très peu de résistance à l’intérieur du Chili malgré (ou à cause) des 3000 tués, des milliers de disparus, et des dizaines de milliers de torturés. Mais la lutte armée, voilà qui enflammait l’imagination des révolutionnaires du Quartier latin.
Je laisse à d’autres l’analyse des causes de cet échec dramatique. Salvador Allende était un réformiste, un socialiste modéré, humaniste. Allié à la Démocratie chrétienne au début de son mandat en 1970, soutenu par le Parti communiste (Pablo Neruda), par le MIR (plus à gauche) au sein d’une Union Populaire, assez semblable au Front populaire de 1936. Le programme économique était radical (nationalisations, contrôle des prix, réforme des latifundias) mais le reste était humaniste et libéral. Puis la situation s’est tendue, l’économie s’est dégradée. Certainement les États-Unis ont joué un rôle important mais ce n’était pas la seule cause. Mais le fond est sans doute qu’Allende n’a pas vu que le soutien qu’il avait réuni s’effritait, le quittait et que le rapport de force devenait chaque jour plus défavorable.
Ce que je veux retenir aujourd’hui, c’est la personnalité de Salvador Allende qui a refusé d’utiliser la violence, qui choisi de mourir pour son idéal socialiste, pour ne pas déroger au le mandat qui lui avait été donné par le peuple chilien, pour le respect de la démocratie. L’incarnation d’une idée, d’un idéal qui force le respect. Voilà qui mérite émotion et admiration.