Trois ans après la promesse du « printemps arabe » dont elle fut l’épicentre, la Tunisie semble être sur le point de sortir d’une crise politique majeure ravivée le 25 juillet 2013 par l’assassinat de l’opposant Mohamed Brahmi.
J’observe en effet avec satisfaction que la feuille de route, sur laquelle ont débouché les pourparlers entre les islamistes d’Ennahdha et leurs opposants le 27 décembre dernier, est jusqu’ici respectée à la lettre contrairement à tous les calendriers annoncés depuis l’élection de l’assemblée constituante en octobre 2011 – qui ne devait au départ siéger que pour une période transitoire d’un an.
Le Premier ministre tunisien Ali Larayedh a ainsi remis hier sa démission au président Moncef Marzouki, ouvrant la voie à la formation d’un nouveau gouvernement apolitique. Un jour plus tôt, l’assemblée constituante a élu les membres de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), commission électorale qui aura pour tâche d’organiser et de superviser les scrutins à venir.
Surtout, l’adoption de la Constitution, dont l’examen a commencé le 4 janvier, est en bonne voie puisque les premiers articles ont déjà été votés à une large majorité. En définissant la Tunisie comme un « État civil » dès son préambule, la Constitution tourne le dos à la charia. Certes, la religion d’État restera l’islam – comme l’anglicanisme est la religion officielle du Royaume-Uni – mais, d’une part, l’État garantira « la liberté de conscience et de croyance et le libre exercice du culte », et d’autre part, le nouvelle République sera guidée par la « primauté du droit » dont la source ne pourra être l’islam. La formation d’un État de droit est parachevée par la reconnaissance de toutes les grandes libertés : liberté d’opinion et de pensée, liberté d’expression et d’information, liberté syndicale et droit de grève. Plus révolutionnaire encore est l’inscription de la parité homme-femme. L’article 45 garantit ainsi « l’égalité des chances entre l’homme et la femme dans l’exercice des différentes responsabilités » et « la parité dans les assemblées élues ». Ce n’est pas encore l’égalité totale entre les sexes (les discriminations en termes d’héritage ne sont par exemple pas visées par cet article) mais c’est un progrès majeur.
Il faut bien sûr ne pas céder au triomphalisme et attendre l’adoption définitive de cette Constitution ainsi que la tenue des élections qui suivront mais l’évolution observée ces dernières semaines est encourageante. C’est une lueur d’espoir dans le chaos postrévolutionnaire que connaissent toujours les autres pays touchés par le printemps arabe et dans lesquels l’apprentissage de la démocratie sera encore long et difficile.