Dans le contexte difficile que chacun connait, je tiens à exprimer ma solidarité aux familles des victimes du conflit meurtrier qui touche la région de Gaza, à rappeler ma position en faveur d’une solution à deux États et à faire part de mon incompréhension face à l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes en France qui n’était pas de nature à favoriser un climat de pacification entre les communautés touchées par cette crise.
S’agissant de la situation à Gaza et du conflit israélo-palestinien :
Au quinzième jour de l’opération « Bordure protectrice » menée par Tsahal, plus de 500 palestiniens sont déjà tombés sous les bombardements israéliens quand 3000 autres ont été blessés. Selon l’ONU, la majorité de ces victimes sont des civils – dont une centaine d’enfants. Côté israélien, on compte pour le moment une trentaine de soldats et quelques civils tués. Restons toutefois vigilants quant à l’interprétation de ces chiffres : ils ne nous apprennent rien sur l’intensité des attaques venant de chaque camp. Le bilan des morts israéliens serait en effet certainement beaucoup plus élevé sans la protection du système de défense anti-missile qui permet à Israël de protéger sa population.
Dans ce drame humain dont chacun se renvoie la responsabilité, il est difficile de faire la part des choses. Les tirs de roquette du Hamas – groupe terroriste à ne pas confondre avec l’Autorité palestinienne – contre Israël sont une provocation intolérable à laquelle Israël est contraint de réagir pour protéger sa propre population en mettant la branche armée du mouvement islamiste hors d’état de nuire. Pour autant, la réponse légitime d’un État démocratique à des actes terroristes qui vise sa population ne l’exonère en rien de faire une utilisation proportionnée de sa force militaire et de respecter les lois humanitaires internationales sur la protection des civils et du personnel médical. À défaut de trêve immédiate, pour laquelle la communauté internationale doit se mobiliser, le secrétaire général des Nations Unies a eu raison d’enjoindre Israël à « faire beaucoup plus pour épargner les civils ».
Si à court terme l’urgence est de rompre cette escalade militaire meurtrière, il n’est pas interdit de rappeler que la seule issue envisageable au conflit qui mine la région depuis des décennies reste plus que jamais la coexistence et la cohabitation pacifique de deux États qui se reconnaissent mutuellement. Cela passe par la reprise des négociations qui, comme le prévoyait déjà l’accord d’Oslo en 1993, devront permettre de trancher la question des frontières définitives, des réfugiés palestiniens et de la coopération économique entre les deux futurs États, notamment le partage des ressources halieutiques. Cette solution n’a rien d’une douce utopie : officiellement soutenue et constamment réaffirmée depuis des années par l’ONU, l’UE et la France, elle est la condition sine qua non d’une paix durable dans la région. S’il n’y a guère d’espoir pour le moment, il faut maintenir cette ligne comme Arafat et le Fatah l’ont fait en leur temps. Cela suppose cependant que le Hamas reconnaisse l’existence d’Israël et renonce à la lutte armée mais aussi, et surtout, qu’Israël mette un terme à l’occupation militaire et civile (colonies) des territoires palestiniens, en violation du droit international et des résolutions de l’ONU.
S’agissant des manifestations pro-palestiniennes en France :
Le président de la République a eu raison de dire que le conflit israélo-palestinien, qui est avant tout un conflit politique, ne doit en aucun cas s’importer en France, surtout pas sous une forme d’affrontements entre communautés religieuses. Mais la décision d’interdire les manifestations « pro-Gaza » à Paris et Sarcelles n’était justement pas de nature à favoriser un climat de pacification entre les deux communautés.
Certes, rien ne peut justifier les violences et dégradations qui ont émaillé les manifestations de ce weekend, de même que rien ne peut justifier les propos antisémites qui ont été entendus ici ou là lors de ces rassemblements. Ces agissements, qui sont le fait d’une minorité animée par la haine, n’ont pas leur place dans la République et doivent être poursuivis et sanctionnés. Plus globalement, il y a lieu de s’inquiéter d’une poussée des extrémismes religieux en France qui se nourrissent mutuellement et alimentent un antisémitisme et une islamophobie rampants – il suffit de lire certains commentaires sur Internet pour s’en convaincre.
Force est pourtant de constater que l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes a jeté de l’huile sur un feu déjà allumé par le soutien apporté par le président de la République à l’intervention militaire israélienne et exprimé dans un premier temps de manière trop précipitée et inconditionnelle, sans un mot pour déplorer les victimes civiles palestiniennes, là où il aurait sans doute fallu être plus mesuré et exigeant vis-à-vis d’Israël. L’impression que la France avait choisi son camp, rompant avec l’équilibre diplomatique traditionnel, a vraisemblablement été très mal vécue. Le président de la République a depuis apporté les clarifications nécessaires, c’est une bonne chose.
Ensuite, il faut rappeler que le droit de manifester est une liberté publique qui découle de la liberté d’expression. Si ce droit doit être encadré (d’où la nécessité de déclarer les manifestations à la préfecture, ce qui avait été fait), l’interdiction doit rester l’exception. Or les motifs de la manifestation étaient clairement légitimes et les risques de débordements auraient certainement pu être mieux contenus si la manifestation avait été autorisée donc encadrée. Au final, empêcher les manifestations de soutien aux populations civiles de Gaza et d’opposition à la politique d’Israël – condamnable et condamnée à de multiples reprises par la communauté internationale mais aussi nombre d’Israéliens – a ouvert un boulevard à l’expression d’opinions plus radicales. Je constate ainsi que les manifestations qui avaient été autorisées dans 40 villes françaises se sont déroulées dans de bien meilleures conditions. Il serait donc malvenu de se féliciter de prophéties de malheur et de justifier après-coup l’interdiction par les violences qui ont eu lieu. D’ailleurs, la préfecture de Paris a autorisé la nouvelle manifestation de mercredi, c’est bien le signe qu’elle reconnait son erreur initiale. Espérons qu’il ne soit pas trop tard et que chacun retrouve le calme nécessaire à l’expression de ses convictions dans le respect de la République et de ses valeurs.