En reconnaissant la légalité du mariage en France d’un couple homosexuel franco-marocain, dans sa décision du 28 janvier 2015, la Cour de cassation a donné à la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe sa pleine effectivité.
Je rappelle que la loi du 17 mai 2013 a expressément autorisé le mariage en France des couples franco-étrangers et étrangers de personnes de même sexe en modifiant l’article 202-1 du Code civil qui dispose désormais dans son deuxième alinéa que « deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ». La circulaire du 29 mai 2013 a précisé que cette disposition « permet d’écarter la loi personnelle et de célébrer le mariage entre personnes de même sexe dès lors que l’un des futurs époux est français ou a sa résidence en France ».
Cependant, la France est liée à 11 pays (Pologne, Maroc, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Kosovo, Slovénie, Cambodge, Laos, Tunisie, Algérie) par une convention bilatérale qui prévoit que la loi applicable aux conditions de fond du mariage est la loi personnelle. Les conventions internationales ayant une valeur supérieure à la loi en application de l’article 55 de la Constitution, il est, en principe, impossible d’écarter la loi personnelle d’un ressortissant de ces 11 pays et donc de célébrer le mariage entre un Français et un ressortissant de même sexe de ces pays.
Dans sa réponse en date du 17 juillet 2014 à ma question écrite du 11 juillet 2013, la garde de sceaux a précisé que, parmi ces 11 conventions bilatérales, celles qui ne prévoient pas de renvoi exprès à la loi personnelle du ressortissant étranger mais seulement à la loi française pour le Français, ne font finalement pas obstacle à la célébration du mariage. Concrètement, le mariage d’un couple franco-cambodgien est possible mais pas celui d’un couple franco-marocain. On ne pouvait en rester là !
Les juridictions nationales ont levé le dernier obstacle. Dans la décision du TGI de Chambéry du 11 octobre 2013, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel du 22 octobre 2013, le juge a écarté l’application de la loi personnelle prévue par la convention franco-marocaine sur le fondement de l’ordre international public français auquel s’intègre désormais les dispositions de la loi du 17 mai 2013.
Saisie d’un pourvoi du parquet, la Cour de cassation a donné raison aux juridictions de première instance et d’appel. Elle considère que la loi du 17 mai 2013 a effectivement modifié l’ordre international public français qui ne permet désormais aucune discrimination sur le mariage fondée sur le sexe ou la nationalité. La liberté fondamentale de se marier est donc une composante de l’ordre public français, qui permet, conformément à l’article 4 de la convention franco-marocaine, d’écarter la loi personnelle du conjoint marocain.
Je me félicite de cette décision qui rend pleinement effective la loi du 17 mai 2013 et sécurise le droit au mariage des personnes de même sexe.