C’est ce qu’on dit lorsque l’on doit dîner avec le Diable. En l’occurrence, il s’agirait de Poutine.
Un Poutine qui dans notre vision (celle des medias) a annexé purement et simplement la Crimée, qui traite les cosaques comme citoyens de second ordre et qui soutient, en intervenant militairement, directement les séparatistes russes d’Ukraine orientale. Voire qui n’hésite pas à abattre un avion civil malaisien avec 250 victimes. Bref un bien vilain garçon dont l’ambition serait de reconstruite l’empire des Tsars, de montrer la force du nationalisme militaire, religieux et culturel de la Russie.
Il y a beaucoup de vrai dans cette description exagérée de la stratégie poutinienne. Sa volonté de marquer la spécificité de l’âme russe et de ses valeurs contre une Europe amollie, décadente, déchristianisée. Sa vision est de construire un grand ensemble autour de la Russie avec les pays d’Asie centrale, d’Europe orientale qui soit le 3ème centre situé entre la Chine et l’Europe. Une vision où il y aurait 4 grandes puissances donc en y ajoutant l’Amérique du Nord.
La Russie ne doit pas copier l’Europe : elle a suffisamment de références dans son histoire, sa littérature et ses philosophes pour construire son propre modèle. C’est pourquoi, pour bâtir son récit national, Poutine appelle les mânes de Dostoïevski, Tolstoï, les philosophes du XIXème siècle, antibolcheviques comme Nikolaï Danilevski ou Ivan Ilyne qui prévoient l’arrivée d’un grand chef charismatique qui conduira la Russie vers son destin propre. Bien sûr, la grande référence est Soljenitsine pour son retour aux vraies valeurs russes.
Dans ces conditions, l’Ukraine est vue comme la frontière de la Russie avec l’Europe : elle doit tenir, résister et ne surtout pas basculer vers l’Europe et vers l’OTAN comme ce fut le cas pour les pays baltes.
Je ne suis pas le négociateur des accords mais il me semble que l’on doit demander à Poutine d’un côté et à Porochenko de l’autre de permettre une Ukraine orientale dotée d’une large autonomie, de l’usage de sa langue. Ceci serait sans doute la première condition d’un retour à la stabilité dans le Donbass. Pour la Crimée, n’en parlons plus.