Déjà discriminés de longue date dans les théocraties musulmanes où ils avaient le statut de dhimmi, qui leur accordait certes une protection mais surtout des droits restreints par rapport aux citoyens musulmans, les chrétiens d’Orient sont aujourd’hui confrontés à une véritable persécution en terre d’islam.
Les massacres atroces perpétrés par l’État islamique, principalement en Irak et en Syrie, par ses groupes vassaux comme Boko Haram au Nigéria et par les mouvements djihadistes qui essaiment partout ailleurs donnent une ampleur nouvelle à ce phénomène, qui a pris une tournure génocidaire inquiétante. Ainsi les shebabs somaliens ont-ils exprimé leur volonté d’éradiquer toute trace chrétienne dans le pays.
Quand ils ne sont pas froidement assassinés ou faits esclaves, les chrétiens d’Orient sont condamnés à se convertir, à vivre dans la clandestinité ou à fuir, comme l’a déjà fait 40% de la population chrétienne en Syrie depuis la guerre, tandis que leurs lieux de culte sont régulièrement pris pour cible et détruits.
Si l’État islamique et ses partisans sont responsables des exactions les plus graves, il ne fait aucun doute que le climat de haine à l’égard des chrétiens s’est propagé au-delà des milieux djihadistes organisés, rendant souvent difficile la cohabitation de populations musulmanes et chrétiennes sur un même territoire.
Même dans les pays où ils sont majoritaires, les chrétiens ne sont pas à l’abri d’attaques meurtrières : la Républicaine centrafricaine, dont la population est chrétienne à 80%, est ainsi le deuxième pays ayant enregistré le plus d’assassinats de chrétiens en 2014 selon l’ONG Portes Ouvertes.
Alors que la situation des chrétiens – et, je ne l’oublie pas, des autres minorités religieuses comme les yézidis – en terre d’islam ne cesse d’empirer, la France peine à porter un message suffisamment fort et audible pour dénoncer les persécutions dont ces populations font l’objet et se révèle impuissante à les protéger contre leurs oppresseurs.
Les socialistes français ont, il me semble, leur part de responsabilité dans ce constat d’échec. Engoncés dans notre conception parfois trop intransigeante et souvent rigide de la laïcité, nous sommes mal armés pour dénoncer une réalité dont la perception sensible nous échappe ou plutôt que nous refusons de voir.
Ainsi, à la suite de l’exécution en Libye des 21 coptes enlevés par l’État islamique, le président de la République a dénoncé l’assassinat de 21 « ressortissants égyptiens » et adressé ses condoléances au « peuple égyptien », faisant comme si les victimes avaient été choisies pour leur nationalité et non leur religion. Comment ne pas être perturbé par ce voile de pudeur et ce refus de nommer les choses ?
Je comprends que ce genre de condamnation désespère la communauté chrétienne touchée par ces attaques et lui donne le sentiment d’être abandonnée plutôt que soutenue. Nous devrions écouter Camus quand il dit que « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde ». N’ayons pas peur de poser des mots sur des réalités, si nous ne voulons pas donner une impression d’indifférence.
La communauté chrétienne et son héritage – religieux, culturel, archéologique – sont directement menacés en terre d’islam. Ce n’est pas trahir nos idéaux laïques que de dire que nous devons protéger ces vies et ce patrimoine commun de l’humanité contre ceux qui cherchent à détruire toute trace de la civilisation chrétienne.
Je constate avec satisfaction que la diplomatie française évolue dans ce sens. La France, qui préside le Conseil de sécurité de l’ONU au mois de mars, a ainsi convoqué une réunion du Conseil consacrée à la situation des chrétiens d’Orient et des autres minorités le 27 mars. Je me réjouis de cette initiative vitale pour la survie des communautés persécutées par les groupes djihadistes. Je pense aussi que ceux qui défendent les minorités opprimées, où qu’elles soient, devraient s’engager plus avant.