Ce mardi 2 avril restera dans toutes les mémoires. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika, exhorté par l’armée, a enfin rendu sa lettre de démission au Conseil Constitutionnel.
Les semaines de manifestations pacifiques du peuple algérien auront porté leurs fruits. Si la nouvelle annonce certainement une victoire aux couleurs démocratiques, la bataille ne se termine pas là. En effet, le peuple algérien réclame le changement du régime vers une véritable démocratisation du pays. À leurs yeux, le départ de Bouteflika est une première étape de la longue route vers la transition démocratique.
Soulignons le rôle fondamental de l’armée : son influence – certains diraient même putsch[1] – a permis d’accélérer la démission promise par Bouteflika lui-même avant le 28 avril lorsque le pouvoir aurait pris les mesures de transition nécessaires. Cette symbolique forte de l’armée qui défie le pouvoir en place traduit en réalité une rupture de confiance. L’intérim est assuré par Abdelkader Bensalah, président de la haute chambre du Parlement, homme de main de Bouteflika, qui a 90 jours pour organiser la tenue de nouvelles élections.
Alors, quelles sont les prochaines étapes pour l’Algérie ? Une première difficulté pourtant : la rue, le peuple refusent que les élections soient organisées par l’équipe de transition et encore moins par l’armée.
Une organisation d’élections démocratiques serait le scénario idéal. Cependant, elles pourraient être perturbées par les alliés de Bouteflika. Leur volonté dans l’engagement démocratique est douteuse. Finalement, c’est le pouvoir de la fraude qui risque de l’emporter puisque tous les acteurs d’une gouvernance en perdition sont encore présents au pouvoir.
Une autre incertitude réside côté armée. En parvenant à renverser le rapport de force au profit du peuple, elle l’a aidé certes, mais comment s’assurer qu’elle respectera qu’il organise sa propre transition ? Elle s’est en effet déclarée comme gardienne de la Constitution de facto et pourrait être une rivale potentielle.
La priorité est à la structuration du mouvement populaire et à la recherche de leaders capables de le diriger. Plus facile à écrire qu’à faire.
L’Histoire de l’Algérie est en train de s’écrire et elle est entre les mains de son peuple, qui a su montrer une remarquable maturité dans l’expression de sa contestation comme l’a rappelé le ministre français Jean-Yves Le Drian : « le peuple algérien a montré ces dernières semaines, par une mobilisation continue, digne et pacifique, qu’il était déterminé à faire entendre sa voix ».
[1] Mohamed Sifaoui, journaliste et auteur de Où va l’Algérie, interviewé sur RTL par Yves Calvi le 3 avril 2019