La Docteure Ngozi Okonjo-Iweala a été nommée, à la suite d’un consensus entre tous les Etats membres, à la tête de l’Organisation Mondiale du Commerce. Première femme et première personne africaine à servir le poste, son mandat commencera le 1er mars. Elle doit sa victoire à la défaite d’un autre : celle de Donald Trump, dont l’administration bloquait la nomination en faveur de la candidate Yoo Myung-Hee, ministre du commerce sud-coréenne. Joe Biden a quant à lui préféré se ranger du côté des autres pays, qui soutiennent Okonjo-Iweala depuis quelques mois.
Elle est née le 13 juin 1954 dans le delta du Niger, au Nigeria. Son père est à la tête du petit royaume d’Ogwashi-Ukwu, où il est chargé des affaires courantes. La guerre du Biafra, qui éclate en 1967, vient bouleverser ce train de vie : sa mère et elle cuisinent pour les soldats, et ne peuvent jamais rester très longtemps au même endroit. Elle quitte le Nigeria à 19 ans pour aller étudier aux États-Unis, où elle intègre de prestigieuses universités. Elle rafle un diplôme d’économie à Harvard en 1976, puis enchaîne avec un autre diplôme au Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 1981. Son père l’avait mise en garde contre les discriminations avant son départ pour l’outre-Atlantique : « Si ta couleur ou ton genre gênent les autres, ce n’est pas ton problème, c’est le leur. Ne te laisse pas impressionner. Au contraire, tires-en de la force ». Elle intègre la Banque mondiale en 1982, et rien ne l’arrête malgré la difficulté de sa fonction : chargée de suivre l’avancée des projets au Nigeria, où l’institution est honnie suite aux mesures d’ajustement structurel imposées dans les années 80 pour lutter contre la récession, elle gravit quand même les échelons. Le Président James Wolfensohn demande personnellement à ce qu’elle devienne secrétaire du Conseil d’Administration de la Banque mondiale.
Elle retourne au pays en 2003, puisque le président nigérian Olusegun Obasanjo la nomme ministre des Finances. Sa politique est une politique de rigueur : elle lutte de manière acharnée contre la corruption, et privatise de nombreuses entreprises publiques. Elle fait également publier les recettes de l’industrie pétrolière ainsi que les sommes versées aux collectivités locales pour éviter les détournements. Mais c’est surtout une politique qui réussit, puisqu’elle fait reculer de 23 à 11% l’inflation, multiplie par trois le PIB et parvient à effacer 18 milliards de dollars de dette sur un total de 30 milliards dus au Club de Paris. Son succès dérange, et, rétrogradée aux Affaires étrangères, elle démissionne deux mois plus tard.
Elle réintègre la Banque mondiale en 2007, et est nommée directrice générale de l’institution, n°2. L’histoire se répète, puisqu’en 2011, Goodluck Jonathan, nouveau président du Nigeria, lui demande de reprendre le portefeuille ministériel des Finances. L’accueil n’y est pas très chaleureux, certains fonctionnaires et hommes d’affaires ayant un accès illégal aux Finances publiques lui envoyant des menaces de mort. En 3 ans, elle élimine quelque 60 000 fonctionnaires fictifs à qui l’État payait chaque mois un salaire, et réalise des économies se chiffrant en milliards de dollars. L’année suivante, elle réduit de moitié les subventions au carburant, qui coûtent 8 milliards de dollars par un an au Gouvernement et dont une bonne partie est détournée. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : sa mère de 83 ans est enlevée, et les ravisseurs veulent sa démission. Elle résiste, et au bout de quelques jours, tout le monde se met à la recherche de sa mère, qui est libérée. Elle quitte ses fonctions au Nigeria en 2015, et devient conseillère senior chez Lazard, puis est admise au Conseil d’administration de l’alliance Gavi qu’elle préside. En juin 2020, elle est catapultée envoyée spéciale de l’Union africaine dans la lutte contre la pandémie sur le continent.
Sa nomination intervient dans un contexte de critiques adressées à l’OMC : les nombreux détracteurs de l’institution disent que l’organisation a échoué sur plusieurs fronts, dont l’échec dans l’avancée de nouvelles négociations commerciales et en ne surveillant pas suffisamment les comportements économiques déloyaux de la Chine. Le système de règlement des différends commerciaux reste paralysé après les contestations de l’administration de Trump. La crise a également mis en lumière un protectionnisme croissant et de profondes incertitudes pour l’économie mondiale. Pour Ngozi Okonjo-Iweala, « l’OMC est la seule organisation qui offre des règles du jeu transparentes à tous les pays, et le seul lieu où ils peuvent régler leurs différends ». À elle de le prouver…