Depuis 2014, à la demande du Mali, la France est engagée dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le Président l’a rappelé, nous le faisons à la fois pour protéger nos alliés d’Afrique de l’Ouest de la déliquescence de l’État, mais aussi, et surtout, pour protéger les ressortissants français dans la région et pour garantir la sécurité nationale. En effet, les groupuscules qui agissent au Sahel aujourd’hui sont ceux qui demain frapperont la France si nos armées n’interviennent pas.
Il y a bien sûr des interrogations légitimes à avoir, auxquelles il faut répondre. Les médias ont très bien rempli le rôle - qu’ils se sont eux-mêmes attribué - de contrôleurs des actions du gouvernement dans les derniers jours. Mais ce rôle est, constitutionnellement, celui du Parlement, et nous avons dûment relayé ces questionnements aux ministres concernés lors d’un débat organisé sur l’opération Barkhane la semaine dernière, ainsi que lors d’auditions en commission. Je me réjouis, à l’issue du sommet de N’Djamena et au vu des objectifs fixés, de voir que les parlementaires ont été écoutés. Le chef de l’État a su porter nos réflexions, ainsi que les inquiétudes de la population française, auprès des dirigeants de pays concernés dans les deux derniers jours, afin d’y répondre.
La guerre au Sahel est avant tout une guerre contre l’instabilité, puisque le terrorisme, bien qu’il touche les États modernes, foisonne et se développe dans les États défaillants, profitant du délitement des institutions politiques, juridiques et militaires pour établir des bases et prendre le contrôle des territoires. La coalition l’a compris. Au-delà d’une amplification de la dynamique militaire, les chefs d’État ont collectivement reconnu que c’est le retour de l’État, des administrations et des services aux populations ainsi que la consolidation de l’État de droit et de la bonne gouvernance, qui garantiront une paix durable, répondront aux besoins actuels des populations, permettront la stabilisation des pays du G5 Sahel et feront durablement reculer les groupes armés terroristes. La coalition a souligné qu’il fallait encourager le dialogue intercommunautaire inclusif, et, dans les territoires libérés du joug islamiste, qu’il était maintenant nécessaire de redéployer des forces de sécurité intérieure, des magistrats ainsi que de réouvrir les écoles. Autre point crucial du sommet, les pays ont réitéré leur attachement à ce que les forces de défense et de sécurité respectent les normes internationales en matière de droits de l’Homme et de droit international humanitaire. Dans ce sens, Emmanuel Macron a demandé une intensification des efforts de transparence pour renforcer le lien de confiance entre les populations et les forces armées, clef de voûte d’une victoire au Sahel, et la mise en œuvre de mécanismes de redevabilité efficaces. Se sont par exemple tenus les premiers procès de soldats maliens accusés d’exaction, pour lutter contre l’impunité des forces armées.
Les dirigeants ont également répété l’utilité croissante du projet de la Grande Muraille Verte, initiative de l’Union africaine, qui s’inscrit tout autant dans une stratégie de développement de la région. La création d’écosystèmes verts au Sahel permettra de soutenir la lutte contre les effets du changement climatique et de la désertification de la bande sahélienne. La France apporte son soutien via le projet de loi développement solidaire, présenté aujourd’hui par Jean-Yves Le Drian à l’Assemblée Nationale. L’aide apportée aux pays de la coalition G5 Sahel est conséquente : outre la Grande Muraille Verte, l’aide publique au développement française permettra, entre autres, l’accès à l’eau potable pour 5000 Nigériens, le raccord à l’électricité de 1000 foyers burkinabè et la construction de 43 ouvrages hydrauliques au Mali.
Les résultats sont là, et il ne faut pas lâcher. L’engagement des armées a permis le recul de l’État Islamique au grand Sahara : outre la neutralisation de cadres du haut commandement d’al-Qaïda au Maghreb Islamique, les opérations conjointes d’envergure Eclipse, Bourrasque, ainsi que Sama 1 et 2 ont été conduites avec succès. La démocratisation suit son cours, puisque deux processus électoraux ont été menés, ou sont en train d’être menés, pacifiquement au Burkina Faso et au Niger. Enfin, il semble y avoir une prise de conscience européenne et internationale qu’un engagement résolu dans la région est fondamental. Nos alliés européens commencent en effet à comprendre que le Sahel est une zone stratégique de premier plan. Alors que la Task Force Takuba était lancée le 15 juillet 2020 avec l’arrivée de groupes spéciaux franco-estoniens et franco-tchèques, elle sera renforcée à l’été 2021 avec la venue de contingents suédois et italiens. Par ailleurs, le Danemark, le Portugal et les Pays-Bas ont déployé des officiers au sein de l’état-major, et pourraient potentiellement accroître leur engagement. Enfin, des pays comme la Grèce, la Belgique, la Norvège ou la Hongrie ont tous montré leur intérêt pour rejoindre l’initiative. Cette prise de conscience européenne s’est aussi opérée par une dotation de 284,5 millions d’euros par l’UE pour la période 2017-2023.
J’avais par ailleurs soulevé, lors de l’audition par la commission des affaires étrangères du Sénat de Florence Parly, ministre des armées, que le respect des accords d’Alger (autrement connus sous le nom d’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali) était capital pour une reconstruction politique pérenne du Mali. Le G5 Sahel a fixé pour objectif l’accélération de leur mise en œuvre, permettant ainsi une armée malienne reconstituée associant soldats maliens et groupes rebelles armés, afin d’incarner un instrument de lutte efficace et unifié contre le terrorisme.
Une feuille de route mettra en forme toutes les décisions prises lors du Sommet. Il faut continuer à aller dans le sens d’un déclenchement du sursaut civil et de l’amplification de la dynamique collective : seule une telle approche globale permettra d’offrir une résolution durable à ce conflit.