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Je vous souhaite la bienvenue sur ce site archive de mon mandat de sénateur des Français hors de France.

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Richard Yung
Octobre 2021

Les talibans et le gouvernement de Kaboul se réunissent aujourd’hui à Moscou pour négocier un processus de paix durable, avec des diplomates américains, russes, chinois, qataris et pakistanais. Absents notables : les Européens.

Rien ne dit, en tout cas officiellement, pourquoi ils sont absents. Le fait que les négociations aient été organisées par Moscou est un indice, au vu de l’escalade récente de tensions entre la Russie et l’Union européenne, que ce soit au sujet de l’Ukraine ou d’Alexeï Navalny. Ils auraient ainsi pu court-circuiter l’Europe exprès. Cela témoigne aussi d’une volonté d’adopter une approche bien plus régionale au conflit. Pourtant, l’Union européenne est la première puissance en termes d’aides civiles en Afghanistan - elle s’est, en novembre 2020, encore engagée à hauteur de 1,2 milliards d’euros à la conférence des « donateurs » de Genève - et la paix durable en Afghanistan semble être une priorité pour le service de l’action extérieure européen.

Il faut dire que l’Europe est depuis maintenant quelque temps à l’écart de toutes négociations sur l’Afghanistan. Ils n’étaient déjà pas invités aux pourparlers que l’administration Trump avait organisé au Qatar en février 2020, et qui a abouti sur un accord de retrait des troupes américaines d’Afghanistan avant le 1er mai 2021. Pas forcément étonnant lorsque l’on connaît le personnage, mais cela avait bien pris de cours les 7500 soldats de l’OTAN qui dépendent des Etats-Unis pour le soutien logistique. Les États-Unis ont toujours occupé une place centrale dans le conflit, ne laissant que très peu de place à l’UE. Récemment, la porte-parole de Josep Borrell, haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères, a indiqué que les États-membres n’avaient eu connaissance des nouveaux plans américains pour la transition que grâce aux « informations publiques » - ou, en d’autres mots, ils l’ont appris au même moment que vous et moi…

Il y a indubitablement une différence de vision entre l’Europe et les États-Unis sur ce qui doit être fait en Afghanistan. L’UE souhaite surtout se démarquer sur le côté civil, avec un réel accompagnement post-conflit, en se réorientant pour se donner un rôle distinct de celui des Etats-Unis. Ce cheminement prend toute sa place dans la doctrine de la politique étrangère européenne, qui se tourne vers des résolutions de conflits plus diplomatiques que militaires. Les Américains ont, dans les dernières années, tenté de trouver une paix directe entre eux et les Talibans (l’objectif n°1 des États-Unis étant d’éviter des attaques terroristes sur le sol américain), alors que l’UE s’engage sur ce qu’elle semble définir comme une solution de long-terme : la paix entre les tous les adversaires afghans, à l’intérieur du pays. Elle a ainsi beaucoup encouragé les négociations intra-afghanes, dont certaines se sont récemment tenues à Oslo, en Norvège, sans non plus trop inclure les États-Unis. La spécificité des pourparlers européens est qu’ils incluent la société civile afghane, également grande absente des discussions de Moscou.

De surcroît, une des failles historiques de l’UE est celle de la complexité à parler d’une seule voix. C’est notamment l’Allemagne qui a souhaité se désolidariser des États-Unis afin d’apparaître comme moins interventionniste militairement, et être vue comme un pays qui se concentre sur des problèmes importants que la présence américaine omet d’adresser. Par exemple, l’Allemagne a entrepris un vaste programme d’entraînement des forces de police civiles (plutôt que des forces militaires). Cela n’a pas tant marché, puisque l’Europe a rapidement été dépassée par les grands programmes de développement américains, solidement liés à des objectifs militaires, ainsi que par le manque de fiabilité du gouvernement afghan. Une évaluation conduite en 2019, demandée par l’UE, a conclu que la stratégie de « civilianisation » de la police afghane n’a pu aboutir à cause des efforts de militarisation des programmes américains parallèles. Les 27 semblent mieux réussir dans les secteurs de la gouvernance, de l’agriculture et de la santé, mais leur soutenabilité sont fortement conditionnés à l’amélioration de la situation militaire du pays…

Dans tous les cas, la conférence organisée par Moscou risque de ne pas d’aboutir sur grand-chose. Elle est davantage vue par les experts comme une préparation aux pourparlers d’Istanbul en avril, à l’heure où Joe Biden doit prendre la décision cruciale de respecter ou non les accords de Doha, sur le retrait total des troupes américaines avant le 1er mai de cette année. Les talibans restent le groupe politico-militaire le plus cohérent et le plus discipliné du pays, et un retrait total des troupes alliées risquerait de replonger rapidement le pays dans l’instabilité. Une approche multilatérale, sous l’égide des Nations-unies, semble être la meilleure : alors que les talibans sont en quête de reconnaissance internationale, seule une pression de la part de nombreux pays du monde peut potentiellement contrer leurs velléités d’instaurer un émirat islamique.