Ce matin, j’assiste au colloque organisé par Nicole Bricq au Sénat sur les relations économiques et financières entre les Etats-Unis et l’Europe (le dialogue transatlantique). Débat de très haut niveau entre les intervenants que j’ai pu entendre : côté américain (les professeurs James Galbraith, Robert Wade, Bill Black), côté français (Jacques Mistral, Jean de Maillard).
L’enseignement central que j’en retire est celui-ci : le monde financier s’est affranchi des règles éthiques et morales sur lesquelles nos sociétés sont construites. La fraude intentionnelle et organisée, le brigandage de l’épargne du « bon père de famille » sont devenus la règle. L’exemple le plus connu est celui des prêts hypothécaires : si vous êtes une banque et que vous restez dans des normes de risques clients acceptables, votre marché et votre chiffre d’affaires croitront de 5-6% par an dans le meilleur des cas. Mai si vous acceptez de prêter à des clients de plus en plus insolvables (et vous le savez), votre marché va croitre autant que vous le souhaitez, surtout si vous faîtes payer une prime de risque (« subprime ») en leur expliquant que vous leur faîtes une fleur. Mais dirons les bonnes gens, toute chose a un prix et comme les débiteurs seront rapidement hors d’état de rembourser, votre beau système s’effondrera et vous serez vous-même en banqueroute. Que nenni ! C’est là qu’intervient la seconde fraude organisée. On a inventé la titrisation qui consiste à faire disparaitre ces mauvaises créances (ces créances hypothécaires qui seront jamais remboursées) dans les « paquets » de titres mélangés avec de très bonnes créances et des créances de qualité moyenne, ce qui rend impossible de mesurer le risque réel qu’elles représentent. Bien sûr, à la fin, la confiance dans le système s’est détériorée et le système s’est effondré. Qui a payé ? Les États, c’est-à-dire vous et moi. D’autres exemples : les 12 plus grandes banques américaines ont sciemment aidé ENRON à monter les plus grandes escroqueries imaginables, idem pour Worldcom (spéculation sur leur cours de bourse et manipulations comptables). Et on pourrait continuer ainsi longtemps. S’ajoute à cela le silence acheté des cadres « qui savent » : non seulement, leurs primes sont fonction des résultats mais dénoncer les actions frauduleuses revient à dénoncer ses amis, ses relations, ses chefs ce qui demande beaucoup de courage et de respect éthique.
Face à cette situation qui n’est pas une exception mais qui est, semble t il, généralisée les systèmes de contrôle sont faibles voir déficients. Le G20, après avoir réagi à sa réunion de Londres en 2009, a semble t il rayé la question de son agenda.
Et là où une politique active et volontaire de dissuasion et de répression serait absolument nécessaire, les gouvernements ne prennent pas de décision et se détournent de la question. Il serait intéressant de voir si une telle situation existe partiellement ou plus en France et si notre législation – que nous musclons chaque jour davantage contre les voleurs de poule – ne mérite pas d’être revue et renforcée.