En guise d’introduction : je ne pense pas que le débat sur l’identité nationale voulu par Nicolas Sarkozy et relayé par Éric Besson ait grand sens. Pourquoi le lancer maintenant ? Y a-t-il quelque part une menace contre l’identité nationale ? Y a-t-il même une demande qui vienne soit de nouveaux citoyens français désireux de clarifier ce qui est leur nouvelle « identité » soit de Français plus anciens qui auraient des doutes sur ce qu’ils sont ? Pas du tout, j’ai beau tendre l’oreille, je n’entends rien et toutes les explications sur cette opération de circonstance s’en trouvent validées.
Il n’y a donc nulle nécessité de se précipiter sur le site bessonesque et d’y ajouter sa contribution. Cela ne sert à rien sinon à embrumer encore un peu plus l’opinion publique et l’on sait que cela se terminera, juste avant les régionales, sur un colloque préfectoral qui fera croire aux gens fragiles ou d’extrême droite que l’identité nationale est menacée. Mais, grâce au Ciel, Nicolas Sarkozy délivrera un très beau discours, écrit par Henri Guaino, dans lequel il convoquera les mânes de Chateaubriand, Rousseau, Voltaire, Barrès, Bernanos, Jaurès, Proudhon, de Gaulle, Mitterrand. Nous pleurerons devant l’évocation de la colline sacrée, de la terre arrosée du sang de nos aïeux, des valeurs ancestrales … mais le pays n’en sera que plus confusionné.
C’est même un paradoxe de voir ce gouvernement qui incarne toutes les valeurs américanisées, ultralibérales, antiétatiques se livrer à cet exercice. Le bling bling, cela ne va pas avec l’hommage à la Terre, ni avec Péguy ni avec la remise en cause de la laïcité. Quant au respect de la devise qui figure au fronton de chaque mairie et école de France, chacun jugera en son âme et conscience !
Par contre je partage le sentiment de celles et de ceux qui disent que la gauche, les progressistes et les républicains ne doivent pas laisser ce débat – qui n’en est pas un – à la seule initiative de la droite qui du coup se l’approprie. C’est vrai que l’on ressent comme un malaise devant les paroles de la Marseillaise et devant les discours guerriers lus devant les monuments aux morts le 11 novembre (comme celui d’Hubert Falco, secrétaire d’Etat aux anciens combattants, lu aujourd’hui). Les Allemands en ont d’ailleurs autant à notre service avec le « Deutschland über Alles » de leur hymne national sauf qu’ils le chantent le moins possible. Est-ce que cela nous écarte de l’identité française ou bien d’être de mauvais Français ? Je ne le crois pas mais nous devons avoir le courage de dire notre vérité.
Alors parlons-en !
Je ne pense pas qu’il y ait une identité nationale, une et indivisible quel que soit le pays ou la Nation considéré. Nous composons notre identité en intégrant des valeurs, des références historiques, religieuses, régionales, culturelles, … différentes. Ceci est vrai à l’intérieur de la France où l’on peut être tourangeau, protestant, hobereau, franc-maçon, de droite, …… Cela est encore plus vrai pour nous qui vivons ou avons vécu en dehors de France et qui pouvons nous sentir à l’aise dans des valeurs de plusieurs pays.
Donc pas d’identité nationale. Par contre le sentiment d’être français existe : qu’est ce qui le fonde ? C’est à mon sens la République, l’égalité de tous, la laïcité, le refus du communautarisme. Mais ceci, nous le partageons avec d’autres pays. Il faut y ajouter ce qui nous revient en héritage de notre Histoire, de notre littérature…, la Nation vivante et chaque jour reconstruite ! Ceci avec des nuances : élevé entre l’Angleterre et la France, je ne partage pas le laïcisme militant, je suis moins heurté par le communautarisme et puis nous avons aussi le droit merveilleux de nous approprier Donne, Shakespeare, Coleridge, Shelley, Churchill, … mais aussi la musique romantique allemande et les artistes de la Renaissance et les danses de masque du Congo ou les haïkus japonais.
Voilà qu’apparait ce que je pressens être la vraie réponse aux bessoneries : je porte les valeurs politiques et culturelles du pays où j’ai été élevé, j’en suis pour l’essentiel fier même si certains passages de notre Histoire récente ne sont pas glorieux. Mais je suis aussi fier de m’affirmer comme citoyen européen engagé dans la construction d’une Europe puissance porteuse de valeurs humanistes, sociales et politiques que nous souhaitons servir de modèle à d’autres pays.
C’est parce que nous avons su dépasser le nationalisme, idéologie stupide et mortelle (pensez aux dizaines de millions de morts des deux guerres mondiales) que l’Allemagne et la France ont pu construire l’Europe. « Le nationalisme, c’est la mort » a dit François Mitterrand, pourtant considéré comme un bon Français. Voilà notre réponse au débat.