Hier après-midi j’ai participé à la manifestation organisée par une vingtaine de syndicats et d’associations regroupant tous les métiers de la justice : juges de toute sorte, greffiers, avocats, personnel de la pénitentiaire, de la protection de la jeunesse,.... tout le monde est là (sauf FO pénitentiaire). Le but est de protester contre les réformes en rafale dans tous les domaines du droit et en particulier dans le sécuritaire, contre le manque de moyens de la justice et la prison, contre la politique d’expulsions,....
J’avais vécu un grand moment en défilant il y deux ans avec un évêque (le coadjuteur de Paris) en soutane violette pour Ingrid Betancourt. Cette fois-ci, c’étaient les robes rouges, bordées d’hermine et semées de décorations, des juges et des présidents de tribunaux et de chambres (il ne devait pas y avoir de procureurs), visiblement peu habitués à battre le pavé parisien sous le regard quelque peu interrogatif de la police dont ils sont les supérieurs hiérarchiques. On se plait à imaginer un CRS coursant un(e) président(e) de cour d’appel pour trouble à l’ordre public....
Les passants qui n’en croyaient pas leurs yeux et leur conclusion était le plus souvent : « cela doit vraiment aller très mal s’ils sont là » !
Sur le fond, ce qui fait déborder le vase, c’est la suppression du juge d’instruction et la prééminence prise par le parquet (les procureurs). Ce n’est pas une réaction corporatiste pour protéger telle catégorie ou tel avantage. Ce que redoutent les juges c’est le changement en profondeur du système judiciaire français qui passerait d’une philosophie de la preuve (établie par un juge indépendant et inamovible) à une philosophie de l’aveu comme le connait le droit anglo-saxon et particulièrement américain. Dans ce dernier système, le riche et puissant peut s’offrir les meilleurs avocats pour impressionner le jury. L’autre grand sujet est celui du manque de moyens surtout en postes de greffiers (ceux qui rédigent les comptes-rendus et suivent la procédure). Il en manque dans certaines juridictions presque la moitié. Nulle justice ne peut être rendue si elle vient avec des mois et des années de retard.
À lire sur ce sujet le tract unitaire de la manifestation à télécharger ici