L’affaire des Roms et du démantèlement des camps est une tache sur le front de la France, peut-être plus. C’est du moins ainsi que beaucoup d’entre nous l’ont vécu, qu’ils soient de droite ou de gauche, catholiques ou libres-penseurs, adolescents ou seniors. L’opinion publique européenne et internationale l’a également ressenti ainsi comme l’a montré la presse de nombreux pays. Essayons de ne pas simplifier une question complexe. Il y a en Roumanie environ 2 millions de Roms qui ont la nationalité roumaine mais qui ne sont pas intégrés, font l’objet d’un racisme général et vivent dans des conditions de grande précarité. L’entrée de la Roumanie dans l’Europe permet à ses ressortissants de voyager librement dans le territoire de l’Union, de séjourner 3 mois dans un pays et de demander une autorisation de séjour s’ils trouvent un emploi (150 branches sont ouvertes).
C’est un droit fondamental qui ne peut être limité que pour des raisons très graves. Compte-tenu de la situation dans leur pays d’origine, ils sont nombreux à venir tenter leur chance dans des pays développés de l’Union comme l’Italie, la France, l’Espagne. Ils sont 4000 à avoir trouvé un emploi mais ceci n’est qu’une goutte d’eau par rapport au nombre total de Roms en France – 400 000 –, le plus souvent en résidence illégale (au-delà des 3 mois), dont une faible partie est nomade (on les distingue clairement des gens du voyage qui sont Français depuis des générations et ont une carte spéciale d’immatriculation). Les Roms se concentrent donc dans des camps en banlieue des grandes villes et dans des conditions de précarité avec une absence d’eau, d’électricité, d’hygiène, de scolarité. La politique du gouvernement, suivant le discours de Grenoble du Président Sarkozy, est de détruire ces camps et de chasser ceux qui sont en situation illégale. Il justifie cela par le respect du droit et par les conditions de vie. Les Roms pourraient se voir offrir une alternative, par exemple des camps de transit corrects. Malheureusement, et sans doute de manière délibérée, il n’y en a pas. La destruction de ces campements revient à détruire les maigres biens que les Roms possèdent et à les jeter à la rue. Les images de ces familles, femmes, enfants errant avec un sac à la main sont poignantes. L’idée est sans doute de les contraindre à rentrer en Roumanie mais, en pratique, ce qu’ils font, c’est de reconstruire un campement encore plus précaire et insalubre un peu plus loin. Les départs (environ 1000 en Août) sont supposés avoir été volontaires, voyage payé avec une somme de 300€ pour l’aide au retour. La Commission européenne n’en est pas sûre et demande des explications à la France. Elle voudrait s’assurer que les expulsions ont été faites selon des règles procédurales normales et que ces « départs » sont volontaires (on peut en douter quand on voit le déploiement de forces de police, gendarmerie et CRS qu’elles mobilisent). Elle lui demande également de transposer complètement en droit français la directive de 2004 sur la libre circulation des citoyens dans l’Union.
L’attitude condescendante et méprisante du gouvernement français lui a valu une réaction vive mais normale de la Commissaire chargée de la Justice et des Droits de l’Homme lorsqu’elle a découvert au même moment la circulaire française ouvertement discriminatoire envers les Roms. Non seulement la France s’est mis à dos la Commission mais également le Luxembourg, petit pays mais très européen. Sarkozy rejoint ici les dérapages – pas toujours contrôlés – de Berlusconi. Plus grave, il partage avec lui une approche politique qui est détestable.
Il est grand temps de changer d’attitude si nous voulons que la France regagne de son autorité morale : répondre sur le fond aux questions de la Commission, mettre fin aux expulsions inefficaces, discriminatoires de Roms mais destinées à caresser le vote d’extrême droite, populiste et démagogique. Enfin proposer à nos partenaires d’utiliser les fonds structurels et les fonds spécialisés pour mettre sur pied – nécessairement sur le long terme – une politique d’intégration des Roms.
C’est ainsi que nous pourrons retrouver, espérons le, notre beau nom de pays « des droits de l’homme ».