Il est injuste de reprocher à Manuel Valls d’avoir relancé le débat sur les 35 heures. Nous avons voulu une primaire, il est normal qu’elle soit l’occasion de débats.
Rappelons d’abord les chiffres. Le temps hebdomadaire travaillé en France est de 37,8 heures avec 41 heures pour ceux qui sont employés à plein temps et 22,8 heures pour ceux qui le sont à temps partiel. Dans les autres pays industrialisés, le temps de travail a également baissé jusqu’en 1970, par exemple à 33,8 heures pour les États-Unis et 36 heures pour l’Allemagne.
Ou plutôt, il y a eu une réduction forte (de moitié) de 1900 à 1970 puis stagnation. Pourquoi ?
La financiarisation progressive et générale de l’économie a privilégié très fortement la rémunération des actionnaires au détriment des salariés. La part des salaires dans le PIB est ainsi passé de 67% à 57% depuis 1970 et chacun le voit bien les salaires n’augmentent quasiment pas (au mieux 1 à 1,5% pour couvrir l’inflation) : deux tiers des Français n’ont pas été augmentés depuis 2 ans.
Cela veut donc dire que l’idée de Manuel Valls de « déverrouiller les 35 heures » en permettant de travailler 2 ou 3 heures au-delà des 35 heures (payées en heures normales) ne fonctionne pas, et ce pour deux raisons : on travaille déjà ces 2 ou 3 heures au dessus de 35 heures, et dans la conjoncture de croissance faible qui est la nôtre, il n’y a pas plus de travail à partager. De plus, dans ce schéma, le fait que ces heures qui sont payées en heures supplémentaires soient payées en heures « normales » entraînerait tout simplement une baisse de la rémunération (un quart sur ces heures).
C’est du reste ce que l’Allemagne a fait avec le « Kurzarbeit » mais par négociation avec les syndicats.
Déjà le « travailler plus pour gagner plus » est un échec, il est douteux que le « travailler plus pour gagner moins » soit plus efficace à défaut d’être plus populaire.
L’UMP a évidemment repris la balle au bond en oubliant que les 35 heures (facultatives) ont été mises en place à l’origine par Juppé, en échange du maintien des emplois puis confirmées par de Robien. Le trio antisocial Copé-Longuet-Novelli voudrait bien supprimer toute durée légale (y compris les 40 h) et laisser cela aux accords de branche et d’entreprise. Mais Xavier Bertrand et le Medef ne souhaitent surtout pas toucher à l’édifice actuel car cela menacerait des 4 milliards d'euros d’exonérations fiscales et de charges. Mais bien sûr Nicolas Sarkozy ne résistera pas au plaisir de laisser prospérer un débat qui permet de viser Martine Aubry et DSK.
Il y a d’autres priorités pour la politique de l’emploi comme celui des jeunes et des seniors et pour la politique sociale – bien mal en point après la bataille sur les retraites – : salaires, formation, pénibilité. Et si on en débattait aussi ?
La vraie question est la reprise de la croissance économique : les politiques dites d’austérité qui sont actuellement menées en Europe ont pour seul résultat de tuer la croissance et donc tout espoir de voir des créations d’emplois reprendre.
Les États-Unis, eux, pratiquent une politique inverse de relance par l’investissement avec, pour résultat, une économie qui repart. Il en est de même pour les pays d’Asie, pour le Brésil et bien d’autres.
« Le malade européen sera guéri mais mort ! » C’est cela le fond du problème.