Le fameux sondage du JDD met Marine Le Pen en tête du premier tour avec 23% et Nicolas Sarkozy, second voir troisième, c’est-à-dire éliminé du second tour. On peut bien sûr le rejeter en considérant qu’il n’est pas rigoureux dans sa méthode et que les marges d’erreur sont telles (2%) que les chiffres pourraient très bien être inversés. De plus, comme on doit le rappeler, un sondage est un instantané à la date de sa réalisation, certainement pas une anticipation des intentions de vote.
On peut aussi dire que c’est une manipulation de l’opinion soit par Sarkozy pour créer un réflexe de rassemblement autour de lui et éliminer les candidatures de Borloo et de Villepin soit des adversaires de droite de Sarkozy pour montrer qu’il est un mauvais candidat soit de DSK pour montrer qu’il est meilleur que Martine Aubry, soit de François Hollande pour montrer la nécessité d’une candidature unique de la gauche , soit de ... On n’a que l’embarras du choix.
Tout cela, c’est casser le thermomètre pour supprimer la fièvre. Quels enseignements politiques peut-on en tirer ? Une réussite incontestable de Marine Le Pen qui a su construire une image différente de son père, mieux acceptée. Elle ne parle pas des juifs, ni de la collaboration mais de la sécurité, de l’immigration musulmane, de la laïcité. C’est habile car elle parle à la fois aux travailleurs et aux classes moyennes. Elle a mis (provisoirement ?) le programme imbécile du Front national au rencart : sortie de l’euro, de l’Union, préférence nationale, ... En un mot, elle tourne le dos à l’extrême-droite et au fascisme et transforme le front national en parti de droite populiste comme il y en a tant en Europe. Il n’y a plus de différences significatives entre l’aile droite de l’UMP (les députés des Alpes maritimes) et le FN. Il en sera d’autant plus difficile à combattre. Autre enseignement, la stratégie sarkozienne de reconquête de son électorat âgé n’a pas fonctionné. Sur l’insécurité, sur la religion, sur l’immigration les retraités clairement préfèrent l’original. Il a donc un sérieux problème de redéfinition de sa campagne. Troisième leçon : pour le moment, l’échec patent de Sarkozy ne profite pas à la gauche.
Question accessoire. En cas de 21 avril à l’envers, si le candidat du PS était opposé à celui du FN, quel serait l’attitude de l’UMP ? Appellerait-elle au front républicain comme nous l’avions fait en 2002 ? Ou bien à l’abstention ? Re accessoirement, si l’UMP appelait au front républicain, est ce que la gauche, à la différence de Chirac en 2002, en tirerait les leçons politiques, par exemple avec une refondation du programme du Conseil de la Résistance ?
Enfin, le plus important est certainement l’échec économique et social des 5 dernières années. C’est de loin le sujet prioritaire dans toute l’opinion. Tant que nos enfants ne trouveront pas de travail, ou que des stages ou que des emplois à temps partiel, tant que l’économie se trainera à 1% de croissance, le front national, même new look, aura encore de beaux jours devant lui.
PS (qui n’a rien à voir). Pour ceux qui aiment les romans américains sur les vastes plaines, les montagnes du Wyoming, la chasse, la pêche et la vie au grand air : « Le signal » de Ron Carlson. Superbe pour respirer en cette fin d’hiver !