Le débat sur la prostitution est de retour. Il a été relancé par certaines personnalités de droite (Roselyne BACHELOT, Ministre des Solidarités et de la cohésion sociale et Guy GEOFFROY, député UMP) et de gauche (Benoît Hamon dans son texte sur l’Égalité réelle et Danièle BOUSQUET, députée PS). Ils s’accordent à dire que la pénalisation du client va permettre de mettre fin au système prostitueur. C’est aussi la position majoritaire exprimée par le Bureau national du PS.
Ne partageant pas ce point de vue, je souhaite à mon tour donner ma position. Je partage le constat quasi-unanime : la prostitution est une des expressions les plus brutales de la domination masculine, en particulier par le rôle des souteneurs, mais également une des manifestations les plus extrêmes des rapports économiques et sociaux. On sait ainsi qu’elle représente une manière de gagner beaucoup d’argent, rapidement.
Cependant, je m’inscris en faux contre cette mesure de la pénalisation du client car c’est d’abord oublier les prostitué-e-s. Pourtant ils/elles seront les premiers concernés ! En effet, si cette mesure vise principalement le client, elle les touchera également et les conséquences sont pour eux/elles beaucoup plus lourdes. Dans le pire des cas, le client sera contraint de payer une amende, voire condamné à une peine de prison avec sursis. Les prostitué-e-s quant à eux/elles vont faire face à une précarisation de leurs conditions de travail et de vie. Ils/elles seront soumis à une augmentation du non-paiement des passes, donc des viols, accompagnés d’actes violents. Réduits à la clandestinité, les prostitué-e-s n’auront plus le temps de choisir leur client, de négocier le port du préservatif et sont ainsi progressivement isolés. Mais la grande difficulté pour eux/elles de changer de métier, fait qu’ils/elles ils n’arrêteront pas pour autant de se prostituer. Cette mesure sera alors inefficace.
C’est cet oubli flagrant – voire cette ignorance – des craintes et revendications légitimes des prostitués qui est le plus choquant dans cette mesure. Les prostitué-e-s ne sont pas toujours des victimes naïves qu’il faudrait protéger d’elles-mêmes. Certain-e-s sont aujourd’hui, et cela depuis des années, organisés. J’ai rencontré beaucoup de membres du STRASS (Syndicat du travail sexuel). Loin de l’image sordide dépeinte par les partisans de la pénalisation, ces prostitué-e-s revendiquent des droits et font des propositions politiques argumentées :
- Ils/Elles demandent de mettre le droit de leur côté et de les intégrer pleinement à notre société : accès à la justice, liberté d’aller au commissariat sans a priori de la part des forces de l’ordre afin de pouvoir enregistrer une plainte pour viol, droit à une retraite, droit à une sécurité sociale, droit à la formation professionnelle mais aussi le droit de payer des impôts.
- Ils/Elles souhaitent que la prostitution soit officiellement autorisée, alors qu’aujourd’hui elle est seulement tolérée.
- Ils/Elles demandent la suppression du racolage passif qui permet, avec le plus arbitraire, leur garde à vue abusive, voire leur condamnation.
- Ils/Elles refusent et s’opposent à un proxénétisme d’État ou d’entreprise – les maisons closes – et demandent que les prostitué-e-s soient autorisé-e-s à se regrouper pour exercer leur activité dans des cabinets, coopératives, associations hôtelières à but non lucratif, etc.
- Ils/Elles appellent ainsi de leurs vœux que le proxénétisme de soutien, c’est-à-dire toute personne qui se livre à une transaction économique avec une personne prostituée, comme un chauffeur de véhicule ou un compagnon, soit autorisée. À l’inverse, le proxénétisme de contrainte doit être fortement réprimé tout comme la prostitution avec un mineur et l’exploitation des autres.
Je pense donc qu’il faut soutenir les personnes au cœur de ce système : les prostitués et refuser la pénalisation du client qui les précarisera. C’est un débat difficile mais l’occasion est bonne pour le faire avancer. Le Parti socialiste a une responsabilité particulière en matière de progrès des mœurs et de la société, nous devons l’assumer.